Les langues ne sont pas nées d'elles-mêmes, mais toute leur vertu¨
est née de la volonté des mortels.¨
Cela est une grande raison pourquoi on ne doit pas ainsi louer¨
une langue et blâmer un autre, vu qu'elles viennent toutes d'une même origine. A ce propos¨
je ne peux pas assez blâmer la sotte arrogance et la témérité¨
de certains de notre nation qui méprisent¨
et rejettent toutes choses écrites en français; et je ne peux pas assez m’émerveiller¨
de l’étrange opinion de certains savants qui pensent que notre langue vulgaire soit incapable de toutes bonnes lettres¨
et érudition.¨
À ceux-ci je veux bien, s'il m'est possible, faire changer d'opinion par quelques raisons que brièvement¨
j'espère déduire.¨
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principe;
hommes;
glorifier;
pour cela;
arrogance;
ne respectent pas;
étonner;
littérature;
grand savoir;
en quelques mots;
faire conclure;
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Si notre langue n'est pas si riche que le grec ou le latin, cela ne doit pas être impute au défaut¨
d’elle-même, mais on doit l'attribuer à ¨
l'ignorance¨
de nos ancêtres. Mais qui voudrait dire que le grec et le latin eussent toujours été en l'excellence qu'on les a vus du temps d’Homère et de Démosthène, de Virgile et de Ciceron?
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critiquer;
chercher la cause dans;
manque des connaissances;
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Si les Romains eussent étê négligents¨
à la culture de leur langue, elle ne serait pas devenue si grande. Mais eux ils l'ont restauré de rameaux¨
magistralement tirés de la langue grecque.
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inattentifs;
branches;
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Le temps viendra que notre langue, qui commence encore à jeter ses racines, sortira de la terre, et s’élèvera en telle hauteur et grosseur qu'elle pourra s’égaler au grec et au latin.
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Celui qui voudra enrichir sa langue doit donc se mettre à l'imitation des meilleurs auteurs grecs et latins; car il n'y a pas de doute que la plus grande partie de l'art soit contenue en l'imitation.
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Heureux qui, comme Ulysse,¨
a fait un beau voyage,
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Odysseus;
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Ou comme celui-là¨
qui conquit la toison,
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Jason, qui conquis la toison d'or;
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Et puis est retourné, plein d'usage¨
et raison,
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expérience;
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Vivre entre ses parents le reste de son âge!
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Quand reverrai-je, hélas! de mon petit village
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Fumer la cheminée? Et en quelle saison
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reverrai-je le clos¨
de ma pauvre maison,
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jardin;
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Qui m'est une province et beaucoup davantage¨
?
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plus;
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Plus me plaît le séjour¨
qu'on bâti mes aîeux¨
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maison;
ancêtres;
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Que des palais romains le front audacieux,¨
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arrogant;
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Plus que le marbre dur ne plaît l'ardoise¨
fine
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des toits;
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Plus mon Loire gaulois que le Tibre¨
latin
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rivière à Rome;
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Plus mon petit Liré que le mont Palatin
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Et plus que l'air marin la douceur angevine.
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Mignonne¨
allons voir si la rose
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chérie, aimée;
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Qui ce matin avait déclose¨
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ouvert;
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Sa robe de pourpre¨
au soleil
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rouge;
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N'a point perdu, cette vêprée,¨
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ce soir;
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Les plis de sa robe pourprée
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Et son teint au vôtre pareil¨
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identique;
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Las¨
! voyez comme en peu d'espace¨
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hélas;
temps;
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Mignonne, elle a dessus la place
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Las! las! ses beautés laissé choir¨
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tomber;
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O vraiment marâtre¨
Nature,
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mauvaise mère;
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Puisqu'une telle fleur ne dure
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Que du matin jusques au soir!
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Donc¨
si vous me croyez, mignonne,
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en concluant;
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Tandisque¨
votre âge fleuronne¨
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pendant que;
est en fleurs;
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En sa plus verte nouveauté,
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Cueillez, cueillez votre jeunesse:
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Comme à cette fleur, la vieillesse
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Fera ternir¨
votre beauté.
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disparaître;
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Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose,
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En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
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Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
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Quand l'aube¨
de ses pleurs, au point du jour l'arrose;
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commencement du jour;
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La Grâce dans sa feuille et l'Amour se repose,
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Embaumant¨
les jardins et les arbres d'odeur;
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remplissant;
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Mais, battue¨
ou de¨
pluie ou d’excessive ardeur¨
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frappé;
par;
chaleur;
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Languissante¨
elle meurt, feuille à feuille déclose.¨
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perdisant l'énergie;
ouverte;
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Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
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Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
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La Parque t'a tuée, et cendre¨
tu reposes.
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comme poussière;
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Pour obsèques¨
reçois mes larmes et mes pleurs,
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dernier honneur;
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Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
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Afin¨
que, vif et mort, ton corps ne soit que roses.
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pour faire que;
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(Amours de Marie)
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Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
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Assise auprès du feu, dévidant¨
et filant¨
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faisant des boules de fil;
faisant du fil;
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Direz, chantant mes vers, et vous émerveillant¨
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vous étonnant;
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"Ronsard me célébrait¨
du temps que j’étais belle."
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glorifiait;
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Lors vous n'aurez servante oyant¨
telle nouvelle,
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entendant;
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Déjà sous le labeur¨
à demi sommeillant,¨
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travail;
dormant;
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Qui, au bruit de Ronsard, ne s'aille réveillant
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Bénissant votre nom de louange¨
immortelle
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éloge;
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Je serai sous la terre et, fantôme¨
sans os,
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esprit;
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Par les ombres myrteux je prendrai mon repos
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Vous serez au foyer une vieille accroupie.
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Regrettant mon amour et votre fier dédain¨
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mepris;
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Vivez, si vous m'en croyez, n'attendez a demain
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Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie
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