Par Chrétien de Troyes
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Chrétien sème¨
et il fait semence ¨
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met des grains;
met des grains;
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D'un roman qu'ici il commence.
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Il le fait pour le plus sage¨
homme,
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raisonable, serieux;
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Qui soit dans l'empire de Rome:
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Le Comte PHILIPPE DE FLANDRES,
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Qui vaut¨
beaucoup mieux qu'Alexandre.¨
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est préférable à;
Alexandre le Grand de Macédoine;
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Pour lui, ne perdra pas sa peine.
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CHRÉTIEN qui entend¨
et qui peine ¨
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a l'intention de;
fait son mieux pour;
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A mettre en vers le meilleur conte
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Qui soit conté en Cour Royale:
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C'est le conte du SAINT GRAAL.
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Au temps ou les arbres fleurissent, ¨
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se mettent en fleurs;
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Les bocages¨
, les prés verdissent¨
,
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petits bois;
deviennent vertes;
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Toute chose de joie enflamme,
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Un des fils d'une veuve ¨
dame
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qui avait perdu son mari;
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Vit arriver cinq chevaliers,
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De toutes armes équipés¨
,
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portant toutes leurs armes;
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Il vit les hauberts¨
reluisants¨
,
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armures;
brillants;
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Et les heaumes¨
clairs et brillants,
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armure qui protège la tête;
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Et les lances et les écus.¨
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arme de défense;
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Qu'avant, jamais il n'avait vus.
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Il dit:"Ha! Seigneur Dieu, merci
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Des¨
anges¨
que je vols ici""
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pour les;
être spirituel;
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Et le maître des chevaliers
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Dit à ses hommes:"Là!restez!"
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Et au valet:"N'ayez pas peur!"
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"Je n'ai pas peur, par le Sauveur¨
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Jésus-Christ;
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Qui êtes-vous?"-"Un chevalier."
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"Jamais je n'en ai rencontré.
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Qui vous habilla¨
donc ainsi?"
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a donné des vêtements;
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"Valet¨
, je te dirai bien qui."
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ici: jeune homme;
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"Dites-le donc."-"Très volontiers¨
;
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avec plaisir;
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Il n'y a pas cinq jours entiers"
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Que tout ce harnais me donna
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Le Roi Arthur qui m'adouba.¨
"
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fit chevalier;
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Puis, vite, le chevalier part.
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Alors le valet se prépare
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A retourner à son manoir.¨
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petit château;
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Où sa mère, triste, le soir
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L'attend.Elle aime son fils tant
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Qu'elle court vers lui en criant:
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"Mon fils, chagrine¨
, je le suis;
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triste;
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Où as-tu été aujourd'hui?"
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"Où Dame?je vous le dirai
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Très bien, et je ne mentirai¨
,
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dirai la vérité;
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Car une grande joie j'ai eue
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Par une chose que j'ai vue:
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Les plus belles choses qui sont,
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Qui par la vaste¨
forêt¨
vont.
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grand;
bois;
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Ils sont plus beaux, comme je pense,
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Que Dieu, plus beaux que tous ses anges.
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La mère dans ses bras le prend,
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Et dit:"Beau fils, à Dieu te rends¨
;
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il te faut recommander à Dieu;
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Car j'ai très grande peur pour toi.
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Tu as vu, comme je le crois,
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Les anges dont les gens se plaignent¨
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sont mécontents;
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Qui tuent tout ce qu'ils atteignent.¨
"
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peuvent prendre;
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"Non, vraiment, ma mère, ce sont
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Des chevaliers voilà leur nom.
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"Hélas! que je suis mal servie¨
!
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malheureuse;
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Beau fils doux, de¨
chevalerie
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contre la chevalerie;
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Je pensais si bien te garder
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Qu'on ne dut jamais t'en parler.
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Ton père, -tu l'as ignoré-¨
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tu ne l'as pas connu;
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Avait eu les jambes blessées.
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Et toi, quand tu étais petit,
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Avais deux frères très gentils;
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En guerre ils sont morts tous les deux;
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J'en ai eu grand chagrin¨
, grand deuil¨
|
;
tristesse;
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Très peu le valet a compris
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À ce que sa mère lui dit.
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"Donnez-moi, " fait-il, "à manger!
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Je ne sais de quoi vous parlez,
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Mais j'irais, moi, très volontiers¨
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avec beaucoup de plaisir;
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Au roi, qui fait les chevaliers."
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Là, elle l'embrasse en pleurant,
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Et dit:"Que mon chagrin est grand,
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Mon beau fils doux, quand je te vois
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T'en aller à la cour du roi.
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Tu seras chevaliers sous peu¨
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dans peu de temps;
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Et s'il plaît a Dieu, je le veux,
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Si tu trouves tout près, au loin,
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Dame qui d'appui¨
a besoin
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aide;
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Ou fille de secours privée¨
,
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sans aide;
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Que ton aide leur soit donnée.
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Surtout je voudrais te prier
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Que dans l’église et le moutier¨
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chapelle;
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Tu ailles prier le Seigneur
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Pour qu'il te donne tout honneur."
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Pas un moment, il ne demeure.¨
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reste, attend;
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Il prend congé¨
; la mère pleure.
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dit adieu;
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"Fils, "fait-elle, "que Dieu te mène¨
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conduit;
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Qu'il te donne très peu de peine.¨
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tristesse;
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Mais joie, où que tu puisses aller."
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Quand le valet fut éloigné¨
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à la distance;
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Le jet d'une petite pierre,
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Il se retourne et voit sa mère
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Tomber sur le pont en arrière.
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Elle se pâma¨
de manière
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perdit conscience;
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A faire croire¨
: elle fut morte.
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de sorte qu'on croyait;
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Mais il s'en va, d'allure¨
forte.
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à grande vitesse;
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Et le valet tant chevauche,
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Qu'en un chemin ou il entra,
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Il vit sur¨
la mer un château,
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au bord de;
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Fort bien séant¨
, solide et beau.
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agréable à voir;
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Et il voit sortir par la porte
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Un chevalier armé, qui porte
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Une coupe d'or à la main.
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De l'autre main il tient le frein¨
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sert à arrêter un cheval;
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Et ses armes bien lui séaient.
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Bien vermeilles¨
elles étaient.
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rouges;
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Le valet vit les armes belles,
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Qui furent fraîches¨
et nouvelles,
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brillantes;
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Qui lui plurent¨
; Il dit:"Ma foi¨
,
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qu'il voulait avoir;
vraiment;
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Je les demanderai au roi."
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Alors, vers le château il court;
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Il se dépêche vers la cour,
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Ou le roi et ses chevaliers
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Étaient assis pour le dîner.
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Cette salle était en aval¨
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dans la partie la plus basse du château;
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Et le valet entre à cheval.
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Il fait:"Faites-moi chevalier,
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Sire Roi, et je m'en irai."
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"Ha!"fait le roi, "ami aimé,
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Je le ferai bien volontiers."
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Le valet dit:"Beau sire Roi,
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Je ne le serai jamais, moi,
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Que par un chevalier hardi.¨
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courageux;
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Donnez les armes de celui
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Que je rencontrai à la porte
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Qui votre coupe d'or emporte."
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"Ami, vous êtes dans le droit.
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Allez-lui donc prendre à l'endroit¨
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là où il te faut;
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Les armes; elles sont à vous.
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Mais n'agissez¨
pas comme un fou."
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faites;
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Il s'en retourne sans conseil
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Après le chevalier vermeil,
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Tant qu'il vint au chemin tout droit
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Où le chevalier attendait,
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Il lui cria:Il faut jeter
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Les armes, sans plus les porter.
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Le Roi Arthur vous le commande."
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"Valet, "fait-il, "je te demande
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Si quelqu'un vient de par le¨
roi
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au nom du;
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Qui voudra se battre avec moi."
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"Chevalier, ôtez¨
sur le champ¨
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retirez;
immédiatement;
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Les armes;car je vous les prends,
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Si vous me faites plus parler."
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Le chevalier fut très fâché.¨
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furieux;
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Des deux mains sa lance il leva.
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Il frappa tant qu'il le¨
blessa.
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Perceval;
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Et le valet s'est courroucé¨
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fâché;
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Quand il sentit qu'il fut blessé.
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Il fait partir¨
son javelot.¨
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lance;
sa lance;
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Le frappe¨
par l’œil au cerveau¨
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touche;
dans la tête;
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Répand¨
la cervelle et le sang.
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fait sortir;
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Par la douleur le cœur lui manque ¨
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perdit courage;
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Il s'affaisse¨
;tombe étendu¨
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ne peut rester debour;
de tout son long;
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Et le valet est descendu.
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Il met la lance d'une part¨
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de côté;
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Et l’écu du col lui séparé¨
|
à part;
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Puis le valet, sans nul arrêt,
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S'en va, courant par la forêt¨
,
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bois;
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Tant qu'il vit, à gauche et en haut,
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Paraître les tours d'un château.
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Le valet, vers le pont chemine.¨
|
se dirige;
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Vêtu¨
d'une robe d'hermine,
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habillé;
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Un prud'homme, beau et charmant,
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Là, au milieu du pont, l'attend.
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Il dit:"Beau frère, d'où viens-tu?"
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"D'où? de la cour du roi Arthur."
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"Qu'y faisais-tu?"-"Le roi m'a fait
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Chevalier; là, chacun le sait."
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"Ces armes, qui te les donna?"
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"Le Roi, "fait-il, "me les laissa."
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"Comment?" Alors, il lui raconte
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Ce que vous savez par ce conte.
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"Mais quel besoin¨
vous amena¨
?"
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nécessité;
fit venir;
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"Sire, ma mère m'enseigna¨
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m'apprit;
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D'aller toujours aux chevaliers,
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Pour qu'ils puissent me conseiller."
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Le prud'homme répond:"Beau frère,
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Bénie¨
soit votre bonne mère,
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que Dieu donne grâce à;
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Car elle vous conseilla bien.
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Ne voulez-vous plus dire rien?"
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"Oui."-"Et quoi?"-"Eh bien, je vous prie
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De bien m’héberger cette nuit."
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"Très volontiers, "fait le prud'homme,
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"Gornemant de Goort je me nomme."
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Ainsi jusqu’à l'hôtel ils viennent;
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Par la main tous les deux se tiennent.
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Le prud'homme, qui fut courtois,
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Le pria de rester un mois.
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Volontiers il le retiendrait¨
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garderait chez lui;
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Pendant ce temps il apprendrait
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Telles choses qui lui plairaient,
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Qui au besoin lui conviendraient¨
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seraient utiles;
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Mais le valet lui dit après:
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"Sire, je ne sais pas si près
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D'ici ma bonne mère habite.
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Je voudrais la revoir très vite."
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Ils se couchent sans plus d’arrêt,
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car les lits étaient déjà faits.¨
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préparés;
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Le lendemain¨
le chevalier
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jour après;
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Au lit de son hôte est allé.
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Il lui chaussa¨
l'éperon droit.
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mit à la jambe;
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Alors¨
, il y avait la loi¨
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dans ce temps;
règle;
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Que celui qui anoblissait¨
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faire noble;
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Quelqu'un, l’éperon lui chaussait.
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Alors¨
il commence à l'armer,
|
après;
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Et puis à lui ceindre¨
l’épée.
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mettre à la taille;
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Il la lui ceint et l'a baisé¨
,
|
embrassé;
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Et lui dit qu'il lui a donné
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Le plus haut ordre avec l’épée
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Que Dieu ait fait et commandé:
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C'est l'ordre de chevalerie,
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Qui doit être sans vilenie¨
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déshonneur;
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Il dit:"Il faut vous rappeler:
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S'il arrive¨
que vous devez
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le fait se produit;
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Vous battre contre un chevalier,
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Je veux vous dire et vous prier,
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|
Si vous en¨
avez le dessus¨
,
|
de lui;
triomphe;
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Et qu'envers¨
vous il ne peut plus
|
contre;
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Se défendre ni se tenir,
|
|
S'il se rend à votre merci¨
,
|
pouvoir;
|
Ne le tuez en aucun cas.
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Gardez-vous¨
bien de n'être pas
|
faites attention à;
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Trop bavard¨
ni trop discoureur¨
|
parlant trop;
parlant trop;
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Nul¨
ne peut être trop parleur;
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personne;
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Si vous rencontrez homme ou femme,
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Damoiselle ou bien une dame,
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Qui est sans secours¨
et sans rien
|
aide;
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Conseillez-les, vous ferez bien.
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Ceci n'est pas à dédaigner¨
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négliger;
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Allez volontiers au moutier¨
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chapelle;
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Prier Celui Qui a tout fait
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De vous pardonner s'il Lui plaît."
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Levant la main il le regarde,
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Et dit:"Sire, que Dieu vous garde!"
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Puis, le nouveau chevalier quitte
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Son hôte, car il veut très vite
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Chez sa mère pouvoir aller,
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La trouver en bonne santé.
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A un fleuve il est arrivé;
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Par là, il n'ose pas passer.
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Le long de la rive il partit,
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Quand, en aval, ¨
sur l'eau, il vit
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du côté où coule la rivière;
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Un bateau qui venait d'amont¨
|
du côté où vient la rivière;
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Sur le bateau deux hommes sont.
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Au milieu de l'eau arrêtés,
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|
Ils mettent l'ancre pour pêcher.
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Il salue pour demander:
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"Voulez-vous, Seigneurs, raconter
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Où je pourrais trouver logis?"
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L'un d'eux répondit: "De ceci,
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Bien besoin, je crois, vous aurez.
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Cette nuit, je vous logerai.
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Quand vous irez là, en amont,
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Vous verrez là, au pied d'un mont,
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Une maison qui est à moi,
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Près de la rivière et du bois."
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Maintenant il va en amont,
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|
Tant qu'il vint au sommet¨
du mont.
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au point le plus haut;
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Le haut d'une tour apparut;
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L'on ne trouve jusqu’à Barut¨
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(nom inconnu);
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Si belle, ni si bien assise¨
,
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située;
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Qui fut carrée, de roche bise.¨
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gris-brun;
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Alors, vers la porte il s'en va,
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|
Et devant la porte il trouva
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Un pont. Des valets tout en armes
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Viennent vers lui et le désarment.
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Jusqu'aux loges ils l'ont mené.
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Là, dans une salle carrée,
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Justement au milieu, il vit
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Un prud'homme assis sur un lit.
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Quand le seigneur le vit venir,
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Il le salue avec plaisir,
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Et dit:"Ami, ne m'en veux pas ¨
|
soyez pas fâché;
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Si moi, je ne me lève pas."
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A son coté il s'est assis,
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Et le prud'homme dit:"Ami,
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D'où veniez-vous donc aujourd'hui?"
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"Seigneur, ce matin je partis
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D'un lieu appelé Beaurepère."
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Quand ainsi tous les deux parlèrent,
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Un valet¨
d'une chambre vint,
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serviteur;
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Une lance blanche en ses mains,
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Et ceux qui sur le lit étaient,
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Et tous ceux là-dedans, voyaient
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La lance blanche et le fer blanc.
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Une goutte de sang sortant
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Du fer de la lance au sommet¨
|
bout;
|
Jusqu’à la main de ce valet
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Coulait;une goutte vermeille.
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Le valet¨
vit cette merveille.¨
|
Perceval;
miracle;
|
Alors deux autres valets vinrent,
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Des chandeliers en leurs mains tinrent,
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|
Faits en or fin, à nielle¨
ouvrés.¨
|
émail noir;
travaille;
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Très beaux ces valets ont été,
|
|
Qui les chandeliers apportaient.
|
|
Sur chaque chandelier brûlait
|
|
Dix belles chandelles au moins.
|
|
Tenant un graal¨
en ses mains,
|
coupe;
|
Une demoiselle marchait,
|
|
Qui avec les valets venait.
|
|
Belle svelte¨
et très bien parée¨
|
fine;
habillée;
|
Quand dedans elle fut entrée
|
|
Avec le graal qu'elle le tint,
|
|
Telle grande clarté¨
en vint
|
lumière claire;
|
Qu'ainsi perdirent les chandelles
|
|
Leur clarté, comme les étoiles
|
|
Sitôt que¨
se lève la lune.
|
immédiatement quand;
|
Après elle, il en venait une, ¨
|
une jeune fille;
|
Tenant un beau plateau d'argent.
|
|
Le graal, qui allait devant,
|
|
Était tout d'or fin pur ouvré,
|
|
De pierres précieuses orné.¨
|
décoré;
|
Quand le valet¨
les vit passer,
|
Perceval;
|
Il n'osa pas bien s'informer
|
|
Du graal, ni pour qui c’était,
|
|
Car toujours il se rappelait
|
|
La parole de l'homme sage,
|
|
Craignant d'en avoir du dommage¨
|
contraire de profit;
|
Il ne dit rien, rien ne demande.
|
|
Alors le seigneur, il commande:
|
|
"Dressez la table, donnez l'eau."
|
|
Le repas fut très bon et beau.
|
|
Ils se parlèrent et veillèrent
|
|
Et les valets appareillèrent¨
|
préparèrent;
|
Le lit.Couchant entre draps fins,
|
|
Il dormit jusqu'au grand matin.
|
|
Il se lève et arme ses membres¨
|
bras et jambes;
|
Et veut s'en aller par les chambres,
|
|
Mais il les trouve bien fermées.
|
|
Il appelle et il frappe assez,
|
|
Nul n'a ouvert, nul n'a parlé.
|
|
Quand il a assez appelé,
|
|
Trouvant la porte de la salle
|
|
Ouverte, aussitôt, il dévale¨
|
descend;
|
En descendant tous les degrés¨
|
marches de l'escalier;
|
Il trouve son cheval sellé ¨
|
avec selle;
|
Il monte et fait le tour dedans,
|
|
Retrouve là pas un sergent¨
|
valet, serviteur;
|
Il trouve le pont abaissé.
|
|
Sans tarder il l'a traversé.
|
|
Pour ce faire, il a eu du mal¨
|
difficultés;
|
Il sentit que de son cheval
|
|
Les pieds furent levés en haut,
|
|
Et le cheval fit un grand saut.
|
|
S'il n'avait pas si bien sauté,
|
|
Tous les deux, ils seraient blessés.
|
|
Cherchant ce que ça a été
|
|
Il vit que le pont fut levé.
|
|
Toute froide était la contrée.
|
|
Perceval, cette matinée,
|
|
Voulant chercher chevalerie
|
|
Vint tout droit dans une prairie,
|
|
Qui fut gelée et enneigée,
|
|
Où l’armée du roi fut logée.
|
|
Grande fut la joie que le roi
|
|
Fit de Perceval, le Gaulois;
|
|
La reine aussi et les barons
|
|
Toute la nuit grand'joie ils font.
|
|
Et le départ ils le remirent¨
|
renvoyèrent la date;
|
Jusqu'au troisième jour qu'ils virent
|
|
Une demoiselle qui vint
|
|
Sur une mule fauve¨
et tint
|
sauvage;
|
En sa main droite une courroie¨
;
|
bande de cuir;
|
Ses cheveux, comme je le crois,
|
|
En deux tresses tordues et noires.
|
|
Et si on pouvait vraiment croire,
|
|
Ce que le livre nous fait lire,
|
|
Jamais chose plus laide et pire¨
|
plus mauvaise;
|
Ne fut même vue en enfer.
|
|
Jamais plus noir ne fut un fer
|
|
Que le noir du cou et des mains.
|
|
Et ceci était encore moins
|
|
Que l'autre laideur qu'elle avait,
|
|
Car tout clos¨
ses deux yeux étaient,
|
fermés;
|
Pres-qu’aussi petits qu'yeux de rats.
|
|
Son nez fut de singe ou de chat;
|
|
Et ses lèvres d’âne ou de bœuf;
|
|
Ses dents semblaient du jaune d’œuf;
|
|
Et sur la.poitrine une bosse;¨
|
difformité;
|
Une échine¨
comme une crosse.
|
colonne vertébrale;
|
La bosse au dos, tordues¨
les hanches,
|
courbés;
|
Aussi bien que d’osier¨
les branches,
|
plante grimpante;
|
Trop belles pour mener la danse. -
|
|
Devant les chevaliers s’élance
|
|
La demoiselle sur la mule.
|
|
Avant, jamais, a la cour nulle
|
|
Femme comme elle ne fut vue.
|
|
Elle va au roi, le salue,
|
|
Et les barons également,
|
|
Hormis¨
Perceval seulement.
|
mais pas;
|
Elle dit, de sa mule fauve:
|
|
"Perceval, la Fortune est chauve¨
|
sans cheveux;
|
Derrière et devant chevelue.
|
|
Malheur à ceux qui te saluent,
|
|
Et qui te souhaitent du bien,
|
|
Car tu ne sus conserver point¨
|
pas;
|
Fortune, quand tu la trouvas. i
|
|
Chez le Roi-Pêcheur tu entras.
|
|
Là, tu vis la lance qui saigne;
|
|
Alors, tu eus si grande peine¨
|
difficulté;
|
D'ouvrir ta bouche pour parler,
|
|
Que tu ne pus pas demander
|
|
Pourquoi cette goutte de sang
|
|
Sort par la pointe du fer blanc.
|
|
Et du graal que tu as vu
|
|
Tu ne demandas rien;pas plus
|
|
Qu'à quel seigneur on l'a servi.
|
|
Très malheureux est celui qui
|
|
Voit du beau temps plus qu'il convienne¨
|
est agréable;
|
Mais attend que du plus beau vienne.
|
|
Malheur que tu n'aies pas parlé;
|
|
Car si tu l'eusses¨
demandé
|
aurais;
|
Le riche roi, qui en souffrit¨
|
en avait mal;
|
De sa plaie fut¨
déjà guéri,
|
serait;
|
Et eût tenu sa terre en paix.
|
|
Mais il ne l'aura plus jamais."
|
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A part lui¨
Perceval s'est dit:
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en parlant à lui-même;
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Qu'il ne passera pas deux nuit
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Sous le même toit, de son âge¨
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pendant toute sa vie;
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Et si on parle d'un passage¨
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quelque chose qui passe;
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Étrange, il n'ira point¨
le voir;
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pas;
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Et si on peut apercevoir¨
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voir;
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Un chevalier plus preux¨
que quatre,
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courageux;
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Il n'ira pas pour le combattre,
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Avant que du graal il sache
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A qui on le sert, et qui cache
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La lance-saignante trouvée;
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Et que, de vérité prouvée, ¨
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montrée avec certitude;
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Il sache pourquoi elle saigne.
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Pour ça, il n'y a rien qu'il craigne¨
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dont il a peur;
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Perceval-ainsi dit l'histoire-
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A perdu toute la mémoire.,
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Et Dieu, il l'a tout oublié.
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Avril a bien cinq fois passé;
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Ce sont donc cinq ans en entier¨
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en total;
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Sans qu'il entrât dans un moutier¨
,
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église;
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Sans que de Dieu il se souvînt.
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Au bout des¨
cinq ans il advint¨
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après;
l'événement se produisit;
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Que par un désert il allait.
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Comme d'usage¨
il cheminait¨
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normalement;
allait;
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De toutes ses armes armé.
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Trois chevaliers sont arrivés
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Avec dix dames environ,
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Leurs têtes dans des capuchons.
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Et ils s'en allaient tous à pied,
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Tout en haillons¨
et déchaussés¨
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vêtements déchirés;
sans chausures;
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Ne celui qui était venu,
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Qui tenait la lance et l’écu
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S’émerveillent¨
tant les dames,
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s’étonnèrent;
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Qui, pour le salut de leurs âmes,
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Faisaient leur pénitence à pied
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Pour leurs fautes et leurs péchés.
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Et l'un de ces trois chevaliers
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L’arrête et dit:"Ami aimé,
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Ne croyez-vous en Jésus-Christ,
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Qui la bonne loi écrivit?
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Car il n'est pas juste ni bien
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D'être armé, -et c'est un grand tort¨
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injustice;
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Le jour où Jésus-Christ fut mort"
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Et lui qui n’était pas conscient¨
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qui ne réalisait pas;
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Du ¨
jour, de l'heure, ni du temps,
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quel jour c'était etc.;
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Tant son cœur était en ennui, ¨
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tristesse;
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Répond:"Quel jour est-ce aujourd’hui?"
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"Quel jour? vous ne le savez point?
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C'est aujourd'hui Vendredi Saint."
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"D'où venez-vous, dites-moi bien."
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Fait Perceval.-"Sire, je viens
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D'un homme sage, un saint hermite,
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Qui dans cette forêt habite."
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"Par Dieu, Seigneur, qu'y fîtes-vous?
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Et que lui demandâtes-vous?"
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"Quoi, Sire?"fait une des dames,
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"De nos péchés nous demandâmes
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Conseil, tout en nous confessant, ¨
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disant nos fautes;
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Faisant ce qui est important,
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Ce que doit faire tout chrétien
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Qui à Dieu veut se vouer¨
bien."
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donner sa vie;
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Ce que Perceval apprenait,
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Le fait pleurer.Ça lui plairait
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Si au sage il pouvait parler.
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Et il voudrait bien y aller.
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Puis, Perceval se met en route,
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En soupirant de l’âme toute,
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Parce qu'en se sentant méfait¨
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coupable;
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Envers Dieu, il se repentait ¨
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reconnaissait avoir fait des péchés;
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Pleurant il va par les feuillages¨
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ici: le bois;
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Et quand il vient à l'hermitage,
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Il descend et il se désarme,
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Liant¨
son cheval à un charme¨
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attachant;
sorte d'arbre;
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Après il entre chez l'hermite.
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Dans une chapelle petite,
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Avec un prêtre, il le trouva;
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Un clerc jeune aussi était là.
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Et ils commençaient le service
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Le plus haut qui, en Sainte Église,
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Puisse être fait, et le plus doux.
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Perceval se met a genoux.
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Des yeux les pleurs lui dégouttaient¨
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tombaient;
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Et Perceval, qui redoutait¨
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avait peur;
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D'avoir, envers Dieu, bien péché,
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A pris l'hermite par les pieds.
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Les mains jointes¨
, le chef¨
penché¨
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ensembles;
la tête;
basse;
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Il le prie de lui donner
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Conseil, dont il a bien besoin.
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Le bon homme lui prescrit¨
bien
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recomande;
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De dire sa confession¨
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reconnaître ses péchés;
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Car il n'aura jamais pardon,
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S'il n'est contrit¨
et repentant.
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ne reconnaît pas ses péchés;
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"Sire, "fait-il, "voilà cinq ans,
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Que je ne sais plus ou je fuis,
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Sans aimer Dieu, ni croire en lui.
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Et je fis du mal avec rage.¨
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fureur;
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"Hé, bel ami, " dit l'homme sage,
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"Dis-moi donc, pourquoi l'as-tu fait?
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Prie Dieu que pitié il ait
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De ton âme, toi, grand pécheur.
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"Sire, c'est chez le Roi Pêcheur
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Que je fus;et j'y vis la lance
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Dont le fer saigne d’évidence.¨
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comme il est clair;
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Rien de cette goutte de sang
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Qu’à la pointe de ce fer blanc
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Je vis, je ne lui demandai.
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Puis jamais je ne m'amendai¨
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me corrigai de mes fautes;
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Ni ne sus¨
a qui on servit
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je savais non plus;
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Le Saint Graal que la je vis."
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"Hé! bel ami, " dit le sage homme,
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Dis-moi donc comment tu te nommes."
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Et il lui dit:"Perceval, Sire"
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A ce mot le sage soupire.
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Reconnaissant son nom a lui,
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Il dit:"Frère, beaucoup t'a nui¨
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fait du mal;
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Un péché, dont tu n'as rien su:
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Ce fut le deuil¨
que ta mère, eut
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tristesse;
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De toi, quand tu t'en es allé.
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Alors, elle est tombée pâmée"
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Tout près du pont devant la porte;
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Et de ce chagrin elle est morte.
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Par le péché que tu en as
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Il s'est fait que tu ne demandas
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Rien de la lance et du graal.
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Il t'est arrivé bien du mal.
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À qui on le sert est mon frère.
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Ma sœur et la sienne est ta mère.
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Le Graal est chose si sainte,
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Si spirituelle et sans feinte¨
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pure;
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Que rien n'est plus cher à la vie
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Que du graal la sainte hostie.
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Si vraiment donc tu te repens¨
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regrettes tes péchés;
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Tu dois aller en pénitent
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A l’église, chaque matin,
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Avant tout, c'est tout pour ton bien.
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Crois en Dieu qu'il faut adorer¨
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honorer;
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Il faut les braves honorer.
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Si pucelle¨
te requerra¨
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jeune fille;
demande ton aide;
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Aide-la, car bien te fera¨
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ce sera à ton profit;
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Ou bien si orpheline¨
ou veuve¨
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enfant sans parents;
femme dont le mari est mort;
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Veut de ta bonté une preuve¨
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marque, signe;
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Aide-les donc, tu feras bien,
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Fais qu'il ne leur manque de rien."
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Et puis l'hermite lui conseille
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Une oraison¨
qu'à son oreille
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prière;
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Il chuchota¨
tant qu'il¨
la sut.
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dit tout bas;
perceval;
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En cette oraison il y eut
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Assez de titres¨
du Seigneur
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noms qu'on Lui donne;
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Qui furent de tous les meilleurs.
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Ici Perceval reconnut
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Que Dieu, le Vendredi Saint, fut
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Mort après être crucifié¨
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mis sur la croix;
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A Pâques, il a communié.
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