23. Beaumarchais

23.1. Le barbier de Séville (l775)


 
AL LE COMTE ALMAVIVA, amant de Rosine
BA BARTHOLO, médecin, tuteur de Rosine
RO ROSINE, jeune personne noble, pupille de Bartholo
FI FIGARO, barbier de Séville, ancien valet du Comte Almaviva
DB DON BAZILE, organiste, maître à chanter de Rosine.

 
ACTE PREMIER, scène I.
AL Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle a coutume¨ de se montrer derrière sa jalousie est encore éloignée. N'importe; il vaut mieux arriver trop tôt, que de manquer l’instant de la voir. Si quelque aimable¨ de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle...Pourquoi non? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine... Mais quoi! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts¨ des plaisirs si faciles?... Et c'est ce-la même que je fuis. Je suis las¨ des conquêtes que l’intérêt, ¨ la convenance¨ ou la vanité¨ nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même! habitude; galant; partout; j'ai assez; profit; étiquette; besoin de gloire;
Et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement...
Au diable l'importun!¨ gèneur;
FI J'ai vu cet abbé-là quelque part.
AL (à part) Cet homme ne m'est pas inconnu.
FI Eh non, ce n'est pas un abbé! cet air altier¨ et noble.. hautain;
AL Cette tournure¨ grotesque ... air, allure;
FI Je ne me trompe point:c'est le comte Almaviva.
AL Je crois que c'est ce coquin¨ de Figaro. vaurien;
FI C'est lui-même, monseigneur.
AL Maraud!¨ si tu dis un mot ... vaurien;
FI Oui, je vous reconnais; voilà les bontés familières dont vous m'avez toujours honoré.
AL Appelle-moi Lindor. Ne vois-tu pas à mon déguisement¨ que je veux être inconnu? mascarade;
FI Je me retire.
AL Au contraire. J'attends ici quelque chose, et deux hommes qui jasent¨ sont moins suspects. parlent;
FI Que regardez-vous donc toujours de ce côté?
AL Sauvons-nous.¨ Allons-nous en;
FI Pourquoi?
AL Viens donc, malheureux! tu me perds!¨ (Ils se cachent) ruines;

 
Scène II.
RO Comme le grand air fait plaisir à respirer!...Cette jalousie s'ouvre si rarement.¨ peu;
BA Quel papier tenez-vous là?
RO Ce sont des couplets de la Précaution¨ inutile, que mesures pour mon maître à chanter m'a donnés hier. prévenir un mal;
BA Qu'est-ce que "la Précaution inutile"?
RO C'est une comédie nouvelle.
BA Quelque drame encore! quelque sottise d'un nouveau genre.
RO (Le papier lui échappe et tombe dans la rue)
Ah! ma chanson! ma chanson est tombée en vous écoutant; courez, courez, donc, monsieur! ma chanson, elle sera perdue!
BA Que diable aussi! l'on tient¨ ce qu'on tient. (Il quitte le balcon) (dans ses mains);
RO (regarde dedans et fait signe dans la rue) St, st.(Le comte paraît); ramassez vite et sauvez-vous¨ (Le comte ne fait qu'un saut, ramasse le papier et rentre) fuyez;
BA (sort de la maison et cherche) Ou donc est-il? je ne vois rien.
RO Sous le balcon, au pied du mur.
BA Vous me donnez la une jolie commission.¨ Il est donc passé quelqu'un? chose à faire;
RO Je n'ai vu personne.
BA (à lui-même)-Et moi qui ai la bonté de chercher!... Batholo, vous n'êtes qu'un sot, mon ami; ceci doit vous apprendre ne jamais ouvrir de jalousies sur la rue.
(Il rentre) .
RO (toujours au balcon)-Mon excuse est dans mon malheur: seule, enfermêe, en butte¨ à la persécution¨ d'un homme odieux, ¨ est-ce un crime de tenter ਠsortir d'esclavage? exposée; tyrannie; haï; essayer de;
BA (Paraissant au balcon)-Rentrez, signora; c'est ma faute si vous avez perdu votre chanson; mais ce malheur ne vous arrivera plus, je vous jure.(Il ferme la jalousie à clef) ,

 
Scene III
AL À present¨ qu'ils se sont retirés, examinons cette chanson dans laquelle un mystère est sûrement renfermé. C'est un billet! maintenant;
FI Il demandait ce que c'est que la Précaution inutile!
AL (lit vivement)-"votre empressement¨ excite¨ ma curiosité; sitôt que mon tuteur sera sorti, chantez indifféremment, sur l'air¨ connu de ces couplets, quelque chose qui m'apprenne enfin le nom, l’état et les intentions de celui qui paraît s'attacher¨ si obstinément¨ à l’infortunée Rosine". Ah!si l'on pouvait écarter¨ tous les surveillants! enthousiasme; cause; mélodie; s'intéresser; énergiquement; éliminer;
FI Il me vient une idée; le régiment de Royal-Infant arrive en cette ville.
AL Le colonel est de mes amis.
FI Bon. Présentez-vous chez le docteur en habit de cavalier, avec un billet de logement; il faudra bien qu'il vous héberge¨ et moi, je me charge du reste. loge;
AL Excellent!
FI Il ne serait même pas mal que vous eussiez l'air entre deux vins.. ¨ ivre, d'avoir trop bu;
AL À quoi bon?
FI Pour qu'il prenne aucun ombrage.¨ méfiance;
AL La porte s'ouvre;c'est notre homme.
FI Éloignons-nous jusqu'à ce qu'il soit parti.

 
Scène IV. (Le Comte Almaviva et Figaro cachés)
BA (sort en parlant à la maison)-Je reviens à l'instant;¨ qu'on ne laisse entrer personne. Quelle sottise à moi d’être descendu! Dès qu'elle m'en priait¨ je devais bien m'en douter...¨ Et Bazile qui ne vient pas! Il devait tout arranger pour que mon mariage se fît secrètement demain: Allons voir ce qui peut l'¨ arrêter. vite; me le demandait; méfier; (=Bazile);

 
Scène V
AL Qu'ai-je entendu? Demain il épouse Rosine en secret!
FI Monseigneur, la difficulté de réussir ne fait qu'ajouter¨ à la nécessité d'entreprendre.¨ hâter; commencer;
AL Quel est donc ce Bazile qui se mêle¨ de son mariage? s'occupe;
FI Un pauvre hère¨ qui montre¨ la musique à sa pupille, infatué¨ de son art, friponneau, ¨ besogneux, ¨ à genoux devant un êcu, ¨ et dont il sera facile de venir à bout¨ à monseigneur...(Regardant à la jalousie).La voilà! diable; apprend; arrogant; bandit; misérable; (pièce de monnaie); triomphe;
AL Qui donc?
FI Derrière sa jalousie, la voilà, la voilà. Ne regardez pas, ne regardez donc pas!
AL Pourquoi?
FI Ne vous écrit-elle pas: Chantez indifféremment? c'est-à-dire: chantez comme si vous chantiez...seulement pour chanter. Oh; la v'là, la v'là.
AL Puisque j'ai commencé à l’intéresser sans être connu d'elle, ne quittons point le nom de Lindor que j'ai pris; mon triomphe en aura plus de charmes.(Il chante en se promenant, et s'accompagnant sur sa guitare):
Vous l'ordonnez, je me ferai connaître
Plus inconnu, j'osais vous adorer;
En me nommant, que pourrais-je espérer?
N'importe, il faut obéir à son maître.
FI Fort bien, parbleu! Courage, monseigneur!
AL Je suis Lindor, ma naissance est commune;¨ ordinaire;
Mes vœux¨ sont ceux d'un simple bachelier;¨ idéals; jeune homme;
Que n'ai-je, hélas! d'un brillant chevalier
À vous offrir le rang et la fortune!
Crois-tu que l'on m'ait entendu?
RO (en dedans, chante:)
Tout me dit que Lindor est charmant,
Que je dois l'aimer constamment...
(On entend une croisée¨ qui se ferme avec bruit) fenêtre;
FI Croyez-vous qu'on vous ait entendu, cette fois?
AL Elle a fermé sa fenêtre; quelqu'un apparemment¨ est entré chez elle. probablement;

 
ACTE II.Scène I.
RO (surprise)-Ah! monsieur Figaro, que je suis aise¨ de vous voir! contente;
FI Votre santé, madame?
RO Pas trop bonne, monsieur Figaro. Avec qui parliez-vous donc là~bas si vivement?Je n'entendais pas; mais...
FI Avec un jeune bachelier¨ de mes parents¨ de la plus grande espérance; plein d'esprit, de sentiments, de talents, et d'une figure fort¨ revenante;¨ homme; de ma famille; très; agréable;
RO Oh! tout à fait bien, je vous assure! Il se nomme?...
FI Lindor....
RO Dieux! j'entends mon tuteur. S'il vous trouvait ici...
Passez par le cabinet du clavecin, et descendez le plus doucement que vous pourrez.

 
Scène II.
BA Ce barbier n'est pas entré chez vous, au moins?
RO Vous donne~t-il de l'inquiétude?¨ jalousie;
BA Tout comme un autre.
RO Que vos rêplique¨ sont honnêtes.¨ Quoi! vous n'accordez¨ pas même qu'on ait des principes contre la séduction¨ de M.Figaro? Eh bien, oui, cet homme est entré chez moi; je l'ai vu, je lui ai parlê. Je ne vous cache pas que je l'ai trouvé fort aimable; et puissiez-vous en mourir de dépit.¨ (Elle sort) réponses; polis; supposez; charme; jalousie;
BA Oh!

 
Scène III.(Figaro, caché dans le cabinet, paraît de temps en temps et écoute)
BA Ah! don Bazile, vous veniez donner à Rosine sa leçon de musique?
DB C'est ce qui presse¨ le moins. est urgent;
BA J'ai passe chez vous sans vous trouver.
DB J'êtais sorti pour vos affaires.Apprenez une nouvelle assez fâcheuse. ¨ désagréable;
BA Pour vous?
DB Non, pour vous. Le comte Almaviva est en cette ville.
BA Parlez bas. Celui qui faisait chercher Rosine dans tout Madrid?
DB Il loge à la grande place, et sort tous les jours déguisé.¨ masqué;
BA Je prétends¨ bien épouser Rosine avant qu'elle apprenne seulement que ce comte_existe. veux;
DB En ce cas, vous n'avez pas un instant à perdre.
BA Et à qui tient il, ¨ Bazile?Je vous ai chargé de tous les détails de l'affaire. de qui est-ce que cela dépend;
DB Demain, tout sera terminé;¨ c'est à vous d'empêcher¨ que personne, aujourd'hui, ne puisse instruire la pupille. Restez, docteur, restez donc. réglé; prévenir;
BA Non pas. Je veux fermer sur¨ vous la porte de la rue. derrière;

 
Scène IV. FIGARO, seul, sortant du cabinet.
FI Oh! la bonne précaution!¨ Ferme, ferme la porte de la rue; et moi je vais la rouvrir au comte en sortant. prudence;
RO (accourant)-Quoi! vous êtes encore là, monsieur Figaro?
FI Très heureusement pour vous, mademoiselle. Votre tuteur et votre maître à chanter, se croyant seuls ici, viennent de parler à cœur ouvert. Apprenez que votre tuteur se dispose¨ à vous épouser demain. prépare;
RO Ah! Grands dieux!
FI Ne craignez rien; nous lui donnerons tant d'ouvrage, qu'il n'aura pas le temps de songer à celui-là.
RO Le voici qui revient; sortez donc par le petit escalier. Vous me faites mourir de frayeur.¨ peur;

 
Scène V.BARTHOLO, ROSINE.
RO Vous étiez ici avec quelqu'un, monsieur?
BA Don Bazile que j'ai reconduit, et pour cause.¨ Vous eussiez mieux que c'eût été M.Figaro? pour des raisons spéciales;
RO Cela m'est fort égal, je vous assure.

 
Scène VI. LE COMTE ALMAVIVA, BARTHOLO, ROSINE.
AL (en uniforme de cavalier, ayant l'air d'être entre deux vins¨ et chantant) d'avoir trop bu;
BA Mais que nous veut cet homme? Un soldat! Rentrez chez vous, signora.
AL Qui de vous deux mesdames, se nomme le docteur Balordo? (À Rosine, base) Je suis Lindor.
BA Bartholo!
RO (à part)-Il parle de Lindor!
AL Balordo, Barque à l'eau; je m'en moque comme de ça. Il s'agit(est important) seulement de savoir laquelle des deux...(A Rosine, lui montrant un papier). Prenez cette lettre.
BA Laquelle! vous voyez bien que c'est moi! Laquelle! Rentrez donc, Rosine; cet homme paraît avoir du vin.
RO C'est pour cela, monsieur; vous êtes seul. Une femme en impose¨ quelquefois. commande le respect;
BA Enfin, que voulez-vous, que demandez-vous?
AL (feignant¨ une grande colère¨ )-Eh bien donc, il s'enflamme!¨ Ce que je veux? Est-ce que vous ne le voyez pas? simulant; fureur; se fâche;
RO Monsieur le soldat, ne vous emportez¨ point, de grâce.¨ fâchez; s.v.p.;
AL Vous avez raison. Je dis en tout bien tout honneur, que vous me donniez à coucher ce soir.
BA Rien que cela?
AL Pas davantage.¨ Lisez le billet doux¨ que notre maréchal des logis vous écrit. plus; (=d'amour);
BA Voyons.(Il lit) Le docteur Bartholo recevra, nourrira, hébergera, couchera...
AL (appuyant¨ )-Couchera. accentuent;
BA Pour une nuit seulement, le nommé Lindor dit l’Écolier, cavalier du régiment...
RO C'est lui, c'est lui-même.
BA (vivement à Rosine)-Qu'est-ce qu'il y a?
AL Eh bien, ai-je tort à présent, docteur Barbaro.
BA Allez au diable, et dites à votre impertinent maréchal des logis que, depuis mon voyage à Madrid, je suis exempt¨ de loger des gens de guerre.¨ dispensé; militaires;
AL Montrez-moi votre brevet d'exemption;quoique je ne sache pas lire, je verrai bientôt.
BA Qu'à cela ne tienne.¨ Il est dans ce bureau. Cela ne doit pas dépendre de cela;
AL (pendant que B. y va)Ah! ma belle Rosine!
RO Quoi! Lindor, c'est vous?
AL Recevez au moins cette lettre.
RO Prenez garde;¨ il a les yeux sur nous. attention;
AL Tirez votre mouchoir, je la laisserai tomber. (Rosine tire son mouchoir; le comte laisse tomber sa lettre entre elle et lui)
BA (se baissant) Ah, ah!
AL (la reprend et dit)-Tenez..¨ moi qui allais vous apprendre les secrets de mon métier... voilà;
Une femme bien discrète, en vérité! ne voilà-t-il pas un billet doux¨ qu'elle laisse tomber de sa poche? (=d'amour);
BA Donnez, donnez.
AL Dulciter, ¨ papa! chacun son affaire. Si une ordonnance de rhubarbe était tombée de la vôtre? doucement;
RO (avance la main)-Ah! je sais que c'est, monsieur le soldat.(Elle prend la lettre, qu'elle cache dans la petite poche de son tablier).
BA Sortez-vous enfin?
AL Eh bien, je sors. Adieu, docteur; sans rancune.

 
Scène VII.
BA Il est enfin parti!(À part)Dissimulons.(Haut)-Heureux, m'amour, d'avoir pu nous en délivrer! Mais n'es-tu pas un peu curieuse de lire avec moi le papier qu'il t'a remis?
RO Quel papier?
BA Celui qu'il a feint¨ de ramasser pour te le faire accepter. simulé;
RO Bon!c'est la lettre de mon cousin l'officier, qui était tombée de ma poche.
BA J'ai idée, moi, qu'il l'a tirée de la sienne. Donne mon cœur.
RO Mais quelle idée avez-vous en insistant, monsieur? Est-ce encore quelque méfiance? ,
BA Vous voulez me faire prendre le change¨ et détourner mon attention du billet qui, sans doute, est une missive¨ de quelque amant.Mais je le verrai, je vous assure. duper; lettre;
RO Vous ne le verrez pas. Si vous m'approchez, je m'enfuis de cette maison, et je demande retraite¨ au premier venu. asile;
BA Pour vous en ôter la fantaisie, je vais fermer la porte.
RO (pendant qu'il y va)-Ah ciel! que faire?... Mettons vite à la place la lettre de mon cousin, et donnons-lui beau jeu à la prendre. (Elle fait l'échange, et met la lettre du cousin dans sa pochette, de façon qu'elle en sorte un peu)
BA (revenant)-Ah! j'espère maintenant la voir.
RO De quel droit, s'il vous plaît.
BA Du droit le plus universellement reconnu, celui du plus fort.
RO On me tuera plutôt que de l' obtenir¨ de moi. recevoir;
BA (frappant du pied)-Madame! madame!...
RO (tombe sur un fauteuil, et feint¨ de se trouver mal)- Ah! quelle indignité!...¨ simule; déshonneur;
BA (lui tête le pouls et dit à part)-Dieux! la lettre!
Lisons-la sans qu'elle en soit instruite.¨ (Il continue à lui tâter le pouls, et prend la lettre, qu'il tâche de lire en se tournant un peu). O ciel! c'est la lettre de son cousin. Maudite¨ inquiétude¨ ! Comment l'apaiser¨ maintenant? Qu'elle ignore¨ au moins que je l'ai lue! (Il remet la lettre dans la pochette) le sache; abominable; alarme; calmer; elle ne doit pas savoir;
RO (soupire)-Ah!...
BA Ma chère Rosine, un peu de cette eau spiritueuse?
RO Je ne veux rien de vous; laissez-moi.
BA Je conviens¨ que j'ai montré trop de vivacité sur ce billet reconnais;
RO Il s'agit bien du billet! C'est votre façon de demander les choses qui est révoltante.¨ irritante;
BA (à genoux)-Pardon:j'ai bientôt senti tous mes torts.¨ et tu me vois à tes pieds prêt à les réparer. fautes;
RO (lui présentant la lettre)-Vous voyez qu'avec de bonnes façons, ¨ on obtient tout de moi. Lisez-la. manières;
BA À Dieu ne plaise que je te fasse une pareille injure.¨ offense;
RO Vous me contrarieriez¨ de la refuser. irriteriez;
BA Reçois en réparation cette marque de ma parfaite confiance.

 
ACTE III. Scène première.-BARTHOLO.LE COMTE ALMAVIVA, en¨ bachelier. dans le rôle de;
AL Que la paix et la joie habitent toujours céans.¨ dans cette maison;
BA Que voulez-vous?
AL Monsieur, je suis Alonzo, bachelier licencié...
BA Je n'ai pas besoin de précepteur¨ gouverneur;
AL élève de don Bazile, organiste du grand couvent, qui a l'honneur de montrer la musique à madame votre...
BA Bazile! organiste! qui a l'honneur! Je le sais;au fait?¨ parle!;
AL (embarrassé¨ )-Monsieur, j’étais chargé...Personne ne peut-il nous entendre? troublé;
BA (À part) C'est quelque fripon¨ (Haut)Eh non, monsieur le mystérieux! parlez sans vous troubler si vous pouvez. charlatan;
AL (À part)Maudit¨ vieillard!(Haut)Don Bazile m'avait chargé¨ de vous apprendre... abominable; ordonné;
BA Parlez haut, je suis sourd d'une oreille.
AL (dit élevant la voix) Ah!volontiers.¨ que le comte Almaviva, qui restait à la grande place... avec plaisir;
BA ¨ effrayé)Parlez bas; parlez bas!;
AL (plus haut)...en est dêlogê¨ ce matin. Comme c'est par moi qu'il a su que le comte Almaviva... parti, sorti;
BA Bas; parlez bas, je vous prie.
AL (du même ton)...était en cette ville, et que j'ai découvert que la signora Rosine lui a écrit...
BA Lui a écrit? Mon cher ami, parlez plus bas, je vous en conjure!¨ Tenez, asseyons-nous et jasons¨ d’amitié. Vous avez découvert, dites-vous, que Rosine... vous prie; parlons;
AL Mais je crains¨ qu'on ne soit aux écoutes. j'ai peur;
BA Je vais encore m'assurer...(Il va ouvrir doucement la porte de Rosine)
AL (à part)Je me suis enferré¨ de dépit.¨ Garder la lettre, à présent.¨ Il faudra m'enfuir; autant vaudrait¨ n'être pas venu... La lui montrer!... Si je puis en prévenir¨ Rosine, la montrer est un coup de maître. dupé; maladresse; maintenant; j'aurais du; informer;
BA (revient sur la pointe du pied) Elle est assise auprès de sa fenêtre, le dos tourné à la porte, occupée à relire une lettre de son cousin l'officier, que j' avais décachetée.¨ Voyons donc la sienne. ouverte;
AL (lui remet la lettre de Rosine) La voici. (À part) C' est ma lettre qu'elle relit.
BA (lit) Depuis que vous m'avez appris votre nom et votre état...¨ Ah!la perfide!c'est bien là sa main. situation sociale;
AL Parlez donc bas à votre tour...
BA Quelle obligation, mon cher!
AL Quand tout sera fini, si vous croyez m'en devoir, ¨ vous devoir me récompenser;
serez le maître. D’après un travail que fait actuellement don Bazile avec un homme de loi...
BA Je dirai que vous venez en sa place. Ne lui donnerez-vous pas bien une leçon?
AL Il n'y a rien que je ne fasse pour vous plaire.
BA Son clavecin est dans ce cabinet. Amusez-vous en l'attendant; je vais faire l'impossible pour l'amener.

 
Scene II ALMAVIVA, seul.
AL Me voila sauvé. Ouf!

 
Scène III. ALMAVIVA, ROSINE, BARTHOLO
BA Écoutez donc, mon enfant; c'est le seigneur Alonzo l’élève et l'ami de don Bazile, choisi par lui pour être un de nos témoins. La musique te calmera, je t'assure.
RO (les deux mains sur son cœur, avec un grand trouble) Ah! mon Dieu!
AL (prenant un papier de musique sur le pupitre)-Est-ce la ce que vous voulez chanter, madame?
RO Oui, c est un morceau très agréable de "La Précaution inutile"
BA Toujours "la Précaution inutile"
AL C'est ce qu'il y a de plus nouveau aujourd'hui. C'est une image du printemps. Si madame veut l'essayer...
RO Avec grand plaisir (Elle chante. En l’écoutant, Bartholo s'est assoupi.¨ Le comte se hasarde¨ à prendre une main qu'il couvre de baisers. L’émotion ralentit le chant de Rosine, l'affaiblit, et finit par lui couper la voix. L'absence du bruit qui avait endormi Bartholo, le réveille.) endormi; risque;
BA Moi, je crois que j'ai un peu dormi pendant le morceau charmant.(Apercevant Figaro)Ah. entrez, monsieur le barbier; avancez;vous êtes charmant.
FI Monsieur, il est vrai que ma mère me l'a dit autrefois; mais je suis un peu déformé depuis ce temps-là.
(À part, au comte) Bravo, monseigneur!
BA Enfin, quel sujet¨ vous amène?¨ motif; fait venir;
FI Eh! parbleu, monsieur, je viens vous raser, ¨ voila tout; n'est-ce pas aujourd'hui votre jour? Monsieur passe-t-il chez lui?¨ faire la barbe; dans sa chambre;
BA Non, monsieur ne passe point chez lui. Eh mais...qui empêche qu'on ne me rase ici?
FI Eh bien! j'irai tout chercher. N'est-ce pas dans votre chambre? (Bas, au comte) Je vais l'attirer dehors.
BA Tenez.(Il lui donne le trousseau¨ ) Dans mon cabinet, sous mon bureau; mais ne touchez à rien. (Bas, au comte) C'est le drôle qui a porté la lettre au comte. les clefs;
(Ici, l'on entend un bruit, comme de vaisselle¨ renversée¨ )-Qu'est-ce que j'entends donc? Le cruel barbier aura tout laissé tomber dans l'escalier, et les plus belles pièces de mon nécessaire!¨ (Il court dehors) assiettes etc.; tombée; instruments;

 
scène IV. LE COMTE, ROSINE.
AL Profitons du moment que l'intelligence de Figaro nous ménage.¨ Accordez-¨ moi ce soir, je vous en conjure¨ madame, un moment d'entretien¨ indispensable¨ pour vous soustraire¨ à l'esclavage où vous alliez tomber. réserve; donnez; prie; conversation; nécessaire; tirervde;
RO Ah! Lindor!
AL Je puis monter à votre jalousie; et quant à la lettre que j'ai reçue de vous ce matin, je me suis vu forcé...

 
Scène V. ROSINE, BARTHOLO, FIGARO, LE COMTE ALMAVIVA.
BA Je ne m’étais pas trompé; tout est brisé.
FI Voyez le grand malheur pour tant de train!¨ On ne voit goutte¨ sur l'escalier.(Il montre la clef au comte. À part) Moi, en montant, j'ai accroché¨ une clef... bruit; rien; saisi;
AL (bas à Rosine)Nous avons la clef de la jalousie, et nous serons ici à minuit.(Bartholo va derrière les amants écouter leur conversation.)Et quant à votre
lettre, je me suis trouve tantôt¨ dans un tel embarras¨ pour rester ici... cet après-midi; difficulté;
FI (De loin, pour avertir) Hem! hem!
RO (effrayée) Ah!...
BA Fort bien, madame, ne vous gênez pas. Comment! sous mes yeux mêmes, en ma présence, on m'ose outrager¨ de la sorte!¨ offenser; de cette manière;
AL Qu'avez-vous donc, seigneur?
BA Perfide Alonzo!
AL Seigneur Bartholo, si vous avez souvent des lubies¨ comme celle dont le hasard me rend témoin, ¨ je ne suis plus étonné de l’éloignement¨ que mademoiselle a pour devenir votre femme. folies; fait voir; antipathie;
RO Sa femme! Moi! Passer mes jours auprès d'un vieux jaloux, qui, pour tout bonheur, offre à ma jeunesse un esclavage abominable!
BA Ah! qu'est-ce que j'entends!
RO Oui, je le dis tout haut; je donnerai mon cœur et ma main à celui qui pourra m'arracher¨ de cette horrible prison, où ma personne et mon bien sont retenus contre toute justice.(Rosine sort) sauver;
BA Ma colère¨ me suffoque.¨ fureur; étouffe;
FI Je me retire, il est fou.
AL Et moi aussi; d'honneur, ¨ il est fou. parole d'honneur;

 
ACTE IV. scène première. BARTHOLO, DON BAZILE
BA Comment, Bazile, vous ne le connaissez pas! Ce que vous dites est-il possible?
DB Vous m'interrogeriez cent fois, que je vous ferais la même réponse. S'il vous a remis la lettre de Rosine, c'est sans doute un des émissaires¨ du comte. agents;
BA Vous avez raison. Voici la lettre de Rosine, que cet Alonzo m'a remise¨ et il m'a montré, sans le vouloir, l'usage que j'en dois faire auprès d'elle. donnée;
DB Adieu; nous serons ici à quatre heures;

 
scène II. ROSINE, BARTHOLO
BA Ah! Rosine, puisque vous n'êtes pas encore rentrée dans votre appartement....
RO Je vais me retirer.
BA Rosine, écoutez-moi.(Il lui montre sa lettre)Connaissez-vous cette lettre?
RO Ah! grands dieux!
BA Cette lettre que vous avez écrite au comte Almaviva...
RO (étonnée) Au comte Almaviva!
BA J'en frémis!¨ le plus abominable complot entre Almaviva, Figaro et cet Alonzo, cet élève supposé¨ de Bazile, qui porte un autre nom et n'est que le vil¨ agent du comte, allait vous entraîner¨ dans un abîme¨ dont rien n'eut pu vous tirer. tremble; pseudo; méchant; tirer; catastrophe;
RO (accablée¨ )Quelle horreur! Quoi! Lindor! quoi, ce jeune-homme!... découragé;
BA (à part) Ah! c'est Lindor?
RO C'est pour le comte Almaviva...C'est pour un autre...
(outrée¨ )Ah! quelle indignité!¨ Il en sera puni...Monsieur, vous avez désiré de m’épouser? furieuse; bassesse;
BA Tu connais la vivacité de mes sentiments.
RO S'il peut vous en rester encore, je suis à vous.
BA Eh bien! le notaire viendra cette nuit même.
RO Ce n'est pas tout. O ciel! suis-je assez humiliée!¨ Apprenez que dans peu le perfide ose entrer par cette jalousie dont ils ont eu l'art de vous dérober¨ la clef. confondue; voler;
BA (Regardant au trousseau) Ah!les scélérats!¨ Mon enfant, monte chez Marceline; enferme-toi chez elle a double tour. Je vais chercher main-forte¨ et l'attendre auprès de la maison.(Il sort) RO (seule)Malheureuse!...Que faire?...Il va venir. Je veux rester et feindre¨ avec lui, pour le contempler¨ un moment dans toute sa noirceur. criminels; aide armée=police; simuler; observer;
Scène III. LE COMTE ALMAVIVA FIGARO
FI (parle en dehors)Quelqu'un s'enfuit: entrerai-je?
AL C'est Rosine, que ta figure¨ atroce¨ aura mise en fuite. visage; laide;
FI (saute dans la chambre)Nous voici enfin arrivés.
AL Donne-moi la main.(Il saute à son tour). La voici!-Ma belle Rosine.
RO Je commençais à craindre, monsieur, que vous ne y vinssiez pas.
AL (à ses pieds)-Ah! Rosine! je vous adore!...
RO (Indigné¨ )-Arrêtez, malheureux!...vous osez profaner!...Tu m'adores!...Va! tu n'es plus dangereux pour moi; j'attendais ce mot pour te détester!¨ Mais avant de t'abandonner au remords¨ qui t'attend, (en pleurant), apprends que je t'aimais. Misérable Lindor, j'allais de ta faute tout quitter pour te suivre. Mais le lâche abus¨ que tu as fait de mes bontés, et l’indignité¨ de cet affreux comte Almaviva, à qui tu me vendais, ont fait rentrer dans mes mains ce témoignage¨ de ma faiblesse. Connais-tu cette lettre? scandalisée; haïr; conscience; usage mauvais; bassesse; signe;
AL (vivement)-Que votre tuteur vous a remise? _
ARO (fièrement)-Oui, je lui en ai obligation!¨ le remercie;
AL Dieux, que je suis heureux! Il la tient de moi. Dans mon embarras¨ hier, je m'en suis servi pour arracher¨ sa confiance; et je n'ai pu trouver l'instant de vous en informer. Ah! Rosine! il est donc vrai que vous m' aimez véritablement! situation difficile; gagner;
FI Monseigneur; vous cherchiez une femme qui vous aimât pour vous-même...
RO Monseigneur...Que dit-il?
AL (jetant son large manteau, paraît en habit magnifique)-O la plus aimée des femmes! il n'est plus temps de vous abuser;¨ l'heureux homme que vous voyez à vos pieds n'est point Lindor; je suis le comte Almaviva, qui meurt d'amour, et vous cherche en vain¨ depuis 6mois. tromper; sans résultat;
RO (tombe dans les bras du comte)-Ah!...
FI (regarde à la fenêtre)-Monseigneur, le retour est fermé; l’échelle est enlevée.¨ (il regarde encore)-Monseigneur l'on ouvre la porte! c'est notre notaire. retirée;
NO Sont-ce la les futurs conjoints?¨ époux;
AL Oui, monsieur. Avez~vous notre contrat?
NO J'ai donc l'honneur de parler à Son Excellence monsieur le comte Almaviva?
FI Précisément.
NO C'est que j'ai deux contrats de mariage, monseigneur. Ne confondons point; voici le vôtre.
AL Signons toujours. Don Bazile voudra bien nous servir de second témoin.(Ils signent)
DB Mais, Votre excellence...je ne comprends pas...
AL (lui jetant une bourse)-Vous faites l'enfant! Signez donc vite.
DB (étonné)-Ah! an! (il signe)

 
Scène IV. Les acteurs précédents, BARTHOLO, un Alcade¨ policier;
BA Rosine avec ces fripons!¨ Arrêtez tout le monde. charlatans;
AL Mademoiselle est noble et belle; je suis homme de qualité; elle est ma femme. Elle n'est plus en votre pouvoir, je la mets sous l’autorité des lois; et monsieur que vous avez amené vous-même, la protégera contre la violence que vous voulez lui faire.
ALCADE Certainement.
BA Et moi qui leur ai enlevé l’échelle, pour que le mariage fût plus sûr! Ah!je me suis perdu faute de soins.