22. Jean-Jacques Rousseau

22.1. Discours sur les sciences et les arts (1750)

Avant que l'art eût façonné¨ nos manières et appris à nos passions à parler un langage apprêté, ¨ nos mœurs¨ étaient rustiques, mais naturelles; et la différence des procédés¨ annonçait, du premier coup d’œil, celle des caractères. La nature humaine, au fond¨ n’était pas meilleure; mais les hommes trouvaient leur sécurité¨ dans la facilité de se pénétrer¨ réciproquement, ¨ et cet avantage, dont nous ne sentons plus le prix, leur épargnait¨ bien des vices.¨ formé; façonné; habitudes; manières; en vérité; confiance; comprendre; l'un l'autre; retenait; immoralités;
Aujourd'hui que des recherches plus subtiles et un goût plus fin ont réduit¨ l'art de plaire en¨ principes, il règne¨ dans nos mœurs une vile¨ et trompeuse¨ uniformité; on n'ose plus paraître ce qu'on est, et nos âmes se sont corrompues¨ à mesure¨ que nos sciences et nos arts sont avancés à la perfection. Dira-t-on que c'est un malheur particulier¨ à notre âge¨ ? Non, les maux causés par notre vaine¨ curiosité sont aussi vieux que le monde; le progrès intellectuel et artistique, et l'envahissement du luxe ont déjà causé la déchéance¨ de l’Égypte, de la Grèce, de Rome. ramené; à des; il y a; vulgaire; hypocrite; infectées; en même temps; caractéristique pour; époque; arrogante; dégénération;
Si nos sciences sont vaines dans l'objet¨ qu'elles se proposent, elles sont encore plus dangereuses par les effets qu'elles produisent. Nées dans l’oisiveté, ¨ elles la nourrissent¨ à leur tour. but; inactivité; favorisent;
D'autres maux pires¨ encore suivent les lettres¨ et les arts. Tel est le luxe, né comme eux de l’oisiveté et de la vanité¨ des hommes. Le luxe va rarement¨ sans les sciences et les arts, et jamais ils ne vont sans lui. Que le luxe soit un signe certain des richesses; qu'il serve même, si l'on veut, à les multiplier, ¨ que faudra-t-il conclure de ce paradoxe si digne¨ d'être né de nos jours? et que deviendra la vertu¨ quand il faudra s'enrichir à quelque prix que ce soit? Les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu; les nôtres ne plus mauvais; littérature; arrogance; exceptionnellement; agrandir; caractéristique pour; intégrité;
parlent que de commerce et d'argent. Que nos politiques apprennent qu'on a de tout avec l'argent, hormis¨ des mœurs et des citoyens. excepté, mais pas;
Si la culture des sciences est nuisible¨ aux qualités guerrières, ¨ elle l'est encore plus aux qualités morales. dangereuse; militaires;
C'est dès¨ nos premières années qu'une éducation insensée¨ borne¨ notre esprit et corrompt¨ notre jugement.¨ déjà pendant; sotte; limite; infecte; raison;
Je vois de toute part¨ des établissements¨ immenses, où l'on élève à grands frais¨ la jeunesse, pour lui apprendre toutes les choses, excepté ses devoirs. On ne demande plus d'un homme s'il a de la probité¨ mais s'il a des talents; ni d'un livre s'il est utile, mais s'il est bien écrit. partout; institutions; pour beacoup d'argent; intégrité;
Les récompenses¨ sont prodiguées au bel esprit, et la vertu reste sans honneur. prix données;
O vertu, science sublime des âmes simples, faut-il donc tant de peines et d'appareil¨ pour te connaître?Tes principes ne sont-ils pas gravés dans tous les cœurs? et ne suffit-il pas pour apprendre tes lois de rentrer en soi-même, et d’écouter la voix de sa conscience dans le silence des passions? Voilà la véritable philosophie! efforts;

22.2. Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes (1755)

Je conçois¨ dans l'espèce¨ humaine, deux sortes d’inégalité: l'une, que j'appelle naturelle ou physique, parce qu'elle est établie¨ par la nature¿et qui consiste¨ dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps et des qualités de l'esprit ou de l’âme; l'autre qu'on peut appeler inégalité morale ou politique, parce qu'elle dépend¨ d'une sorte de convention.¨ vois; race; causée; se trouve; résulte; tradition;
Le corps de l'homme sauvage¨ étant le seul instrument qu’il connaisse, il l'emploie a divers usages, ¨ dont, par défaut¨ d' exercice, ¨ les nôtres sont incapables; c'est notre industrie qui nous ôte¨ la force et l’agilité¨ que la nécessité l'oblige d’acquérir. primitif; buts; absence; pratique; prend; souplesse;
Errant¨ dans les forets, s ans industrie, sans parole, sans domicile, sans guerre et sans liaison, ¨ sans nul besoin de ses semblables comme sans nul besoin de leur nuire, ¨ l'homme sauvage, sujet ਠpeu de passions, et se suffisant à lui-même, ¨ n'avait que les sentiments et les lumières propres ਠcet état; il ne sentait que ses vrais besoins, ne regardait que ce qu'il croyait avoir intérêt de voir. vagabondant; amitié; faire du mal; dominé par; indépendant; bons pour;
Le premier qui, ayant enclos¨ un terrain, s'avisa¨ de dire: "Ceci est à moi, " et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur¨ de la société civile. grillé; imagina; créateur;
Cette idée de propriété¨ ne se forma pas tout d'un coup dans l'esprit humain: ce fut à l’époque d'une première révolution qui forma l’établissement¨ et la distinction¨ des familles, et qui introduisit une sorte de propriété. possession; institution; différenciation;
Comme les plus forts furent vraisemblablement les premiers à se faire des logements¨ qu'ils se sentaient capables de défendre, il est à croire que les faibles trouvèrent plus sûr de les imiter que de tenter¨ de les déloger.¨ domiciles; essayer; chasser;
Tant¨ qu'ils ne s’appliquèrent¨ qu’à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, ils vécurent libres, sains, ¨ bons et heur eux, mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours¨ d'un autre, dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire. pendant; travaillèrent; en bonne santé; aide;
La métallurgie et l'agriculture furent les deux arts dont l'invention produisit cette grande révolution; ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu¨ le genre humain. dégradé;
De la culture des terres s'ensuivit¨ nécessairement leur partage, et de la propriété une fois reconnue, les premières règles de justice; car, pour rendre à chacun le sien, il faut que chacun puisse avoir quelque chose. résulta;
Les choses en cet état eussent¨ pu demeurer¨ égales, si les talents eussent été égaux, et que, par exemple, l'emploi du fer et la consommation des denrées¨ eussent toujours fait une balance exacte; mais la proportion que rien ne maintenait¨ fut bientôt rompue; le plus fort faisait plus d'ouvrage; le plus adroit tirait meilleur parti¨ du sien; le plus ingénieux trouvait des moyens d'abréger¨ le travail. auraient; rester; vivres; balance qui n’était assuré par rien; profit; diminuer;
C'est ainsi que, les plus puissants¨ ou les plus misérables se faisant de leurs forces ou de leurs besoins¨ une sorte de droit au bien d'autrui, équivalent¨ selon eux, à celui de propriété, l’égalité rompue¨ fut suivie du plus que affreux désordre; c'est ainsi que les usurpations¨ des riches, les brigandages¨ des pauvres, les passions effrénées¨ de tous, étouffant¨ la pitié naturelle et la voix encore faible de la justice, rendirent¨ les hommes avares, ambitieux et méchants. Il s'élevait entre le droit du plus fort et le droit du premier occupant un conflit perpétuel¨ qui ne se terminait¨ que par des combats et des meurtres. La société naissante fit place au plus horrible état de guerre. influents; misères; de même valeur; perdue; prise par violence; banditisme; excessives; supprimant; firent; continuel; finissait;
Écrasant¨ facilement un particulier, mais écrasé lui-même par des troupes de bandits, seul contre tous, le riche pressé par la nécessité, conçut¨ enfin le projet le plus réfléchi¨ qui soit jamais entré dans l'esprit humain: ce fut d'employer en sa faveur¨ les forces mêmes de ceux qui l'attaquaient. Dans cette vue il inventa aisément¨ des raisons pour les amener à son but. "Unissons-nous, " leur dit-il, "pour garantir de l'oppression¨ les faibles, contenir¨ les ambitieux, et assurer à chacun la possession de ce qui lui appartient;¨ instituons¨ des règlements de justice et de paix auxquels tous soient obligés¨ de se conformer.¨ battant; forma; sage; profit; facilement; tyrannie; stopper; est à lui; formons; doivent; obéir;
Telle fut ou dut être l'origine de la société et des lois, qui donnèrent de nouvelles entraves¨ au faible et de nouvelles forces au riche, détruisirent sans retour la liberté naturelle, fixèrent pour jamais¨ la loi de la propriété et de l’inégalité. obstacles; toujours;
J'ai tâché¨ d'exposer¨ l'origine et le progrès¨ de l’inégalité. Il suit de cet expose que l’inégalité, étant presque nulle dans l’état de nature, tire sa force et son accroissement¨ du développement de nos facultés¨ et résulte des progrès de l'esprit humain, et devient enfin stable¨ et légitimé par l’établissement¨ de la propriété et des lois. Il est manifestement¨ contre la nature, de quelque manière qu'on la définisse, qu'un enfant commande à un vieillard, qu'un imbécile conduise¨ un homme sage, et qu' une poignée¨ de gens regorge¨ de superfluités, ¨ tandis¨ que la multitude¨ affamée¨ manque de nécessaire. essayé; expliquer; développement; agrandissement; talents; permanent; création ; clairement; domine; petit nombre; a trop; choses peu nécessaire; alors; masse; ayant très faim;

22.3. Julie ou La Nouvelle Héloïse (1761)

LETTRES DE DEUX AMANTS HABITANTS D'UNE PETITE VILLE AU PIED DES ALPES

 
À JULIE
Il faut vous fuir, ¨ mademoiselle, je le sens bien; j'aurais dû beaucoup moins attendre; ou plutôt il fallait ne vous voir jamais. Mais que faire aujourd'hui? Comment m'y"prendre?¨ Vous m'avez promis de l'amitié; voyez mes perplexités, et conseillez-moi. quitter en hâte; agir;
Vous savez que je ne suis entre dans votre maison que sur l'invitation de madame votre mère. Sachant que j'avais cultivé quelques talents agréables, elle a cru qu'
ils ne seraient pas inutiles, dans un lieu dépourvu de¨ maîtres¨ à l’éducation d'une fille qu'elle adore. Fier, à mon tour, d'orner¨ de quelques fleurs un si beau naturel, j'osai me charger de ce dangereux soin¨ sans en prévoir le péril¨ ou du moins sans le redouter.¨ Je ne vous dirai point que je commence à payer le prix de ma témérité.¨ sans; gouverneurs; décorer; travail; danger; en avoir peur; arrogance;
Quand je commençai de vous aimer, que j’étais loin de voir tous les maux que je m’apprêtais!¨ Je ne sentis d'abord que celui d'un amour sans espoir, que¨ la raison peut vaincre¨ à force de¨ temps; j'en connus ensuite un plus grand dans la douleur de vous déplaire. O Julie! je le vois avec amertume, ¨ mes plaintes¨ troublent votre repos. Vous gardez un silence invincible.¨ En attendant, ¨ il faut vous rendre le repos que j'ai perdu pour toujours, et que je vous ôte¨ malgré moi. Il est juste que je porte seul la peine¨ du crime dont je suis seul coupable. Adieu, me préparas; dont; triompher; par le; désespoir; lamentations; ferme; alors; prend; punition;
trop belle Julie; vivez tranquille; dés demain vous ne me verrez plus.

 
DE JULIE
Il faut donc l'avouer¨ enfin, ce fatal secret trop mal déguisé!¨ Combien de fois j'ai juré¨ qu'il ne sortirait de mon cœur qu'avec la vie! La tienne¨ en danger me l'arrache.¨ Tout fomente¨ l'ardeur¨ qui me dévore;¨ tout m'abandonne à moi-même, ou plutôt, tout me livre à toi; la nature entière semble être ta complice;¨ tous mes efforts sont vains;¨ je t'adore en dépit de¨ moi-même. Si tu daignes¨ m'écouter, que d'amour, que de respects ne dois-tu pas attendre de celle qui te devra son retour à la vie! Quels charmes dans la douce union de deux âmes pures. confesser; caché; promis; (=ta vie); le fait dire; produit; la passion; brûle; aide; inutiles; malgré; veux;

 
À JULIE
Puissances du ciel! j'avais une âme pour la douleur, donnez-m'en une pour ma félicité.¨ bonheur;
Permets, permets que je savoure¨ le bonheur inattendu d'être aime...d'être aimé de celle ...Que je la relise mille fois, cette lettre adorable où ton amour et tes sentiments sont écrits en caractères¨ de feu. Ah! daigne¨ te confier¨ aux feux que tu m'inspires, et que tu sais bien purifier; je crois qu'il suffit¨ que je t'adore pour respecter à jamais¨ le précieux¨ dépôt¨ dont tu m'as chargé. Oh! quel cœur je vais posséder! Vrai bonheur, gloire de ce qu'on aime, triomphe d'un amour qui s'honore, combien tu vaux mieux que tous ses plaisirs. goûte; lettres; aie la bonté de; donner; c'est assez; pour toujours; riche; trésor;

 
DE JULIE
Il est important, mon ami, que nous nous séparions pour quelque temps, et c'est ici la première épreuve¨ de l’obéissance que vous m'avez promise. Si je l'exige¨ en cette occasion, croyez que j'en ai des raisons très fortes. test; veux absolument;
Il y a longtemps que vous avez un voyage à faire en Valais. Je voudrais que vous pussiez l'entreprendre¨ à présent¨ qu'il ne fait pas encore froid. Tâchez donc de partir dès¨ demain: vous m’écrirez à l'adresse que je vous envoie, et vous m'enverrez la vôtre quand vous serez arrive a Sion. le faire; maintenant; déjà;
Adieu, mon ami; n'oubliez pas que vous emportez le cœur et le repos de Julie.

 
RÉPONSE
Je suis parti sans vous voir; me voici bien loin de vous; êtes-vous contente de vos tyrannies, et vous ai-je assez obéi?
Je ne puis vous parler de mon voyage; à peine¨ sais-je comment il s'est fait. J'ai mis trois jours à faire vingt lieues¨ et je suis arrivé à Sion sans être parti de Vevai. presque pas; =2Ox4 km.;
Si vous voulez m’éprouver, ¨ je n'en murmure¨ plus. tester; proteste;

 
DE JULIE
Enfin, le premier pas est franchi, ¨ et il a été question¨ de vous. Mon père a été surpris; il n'a pas moins admiré mes progrès dans la musique et dans le dessin; et au grand étonnement de ma mère, il a été fort¨ content de mes talents. Mais ces talents ne s’acquièrent¨ pas sans maître;¨ il a fallu nommer le mien; et je l'ai fait avec une énumération¨ pompeuse de toutes les sciences qu'il voulait bien m'enseigner, ¨ hors¨ une. Il s'est rappelé de vous avoir vu plusieurs fois à son précédent¨ voyage, et il n'a pas paru qu'il eût conservé de vous une impression¨ désavantageuse.¨ fait; on a parlé; très; se développent; gouverneur; citation; apprendre; excepté; dernier; idée; défavorable;
Ensuite, ¨ il s'est informé de votre fortune: on lui a dit qu'elle était médiocre¨ de votre naissance; on lui a dit qu elle était honnête.¨ Dès qu'il a su que vous n’étiez pas noble, il a demandé ce qu'on vous donnait par mois. après; petite; acceptable;
Ma mère, prenant la parole , a dit qu'un pareil¨ arrangement¨ n’était pas même proposable; et qu'au contraire vous aviez rejeté constamment tous les moindres présents qu'elle avait tâché de vous faire. Il a donc été décidé qu'on vous offrirait un paiement, au refus duquel, malgré tout votre mérite¨ dont on convient¨ vous seriez remercié de vos soins.¨ Voila, mon ami, le résumé d'une conversation qui a été tenue sur le compte de mon très honoré maître, et durant laquelle son humble¨ écolière n'était pas fort tranquille. J'ai cru ne pouvoir trop me hâter de vous en donner avis, ¨ afin de¨ vous laisser le temps d'y réfléchir. Aussitôt que vous aurez pris votre résolution, ne manquez pas de m'en instruire, ¨ car cet article est de votre compétence, et mes droits ne vont pas jusque-là. cet; accord; capacités; est d'accord; service; modeste; informer; pour; informer;

 
À JULIE
Je réponds sur-le-champ¨ à l article de votre lettre qui regarde le paiement, et n'ai, Dieu merci, nul besoin d'y réfléchir. Voici, ma Julie, quel est mon sentiment sur ce point. immédiatement;
Que je prenne, comme ce fou de la fable, de l'argent pour enseigner¨ la sagesse, cet emploi paraîtra bas aux yeux du monde, et j'avoue¨ qu'il a quelque chose de ridicule en soi. Mais ici, ma Julie, nous avons d'autres considérations¨ à faire. Que serai-je réellement à votre père en recevant de lui le salaire des leçons que je vous aurai données, et lui vendant une partie de mon temps, c'est-à-dire de ma personne? Un mercenaire¨ un homme à ses gages, ¨ une espèce¨ de valet. Que fera donc celui qui lui vend ses services? Fera-t-il taire¨ ses sentiments pour elle? Ah! tu sais si cela se peut! Ou bien, se livrant sans scrupule au penchant¨ de son cœur, offensera-¨ t-il dans la partie la plus sensible celui a qui il doit fidélité? Alors je ne vois plus dans un tel maître¨ qu'un perfide qui foule aux pieds¨ les droits les plus sacrés. faire apprendre; suis d'accord; motifs, arguments; salarié; son service; sorte; ne pas parler de; passion; choquera; gouverneur; marche sur;
Quand les lettres d’Héloïse et d’Abélard tombèrent entre vos mains, vous savez ce que je vous dis de cette lecture et de la conduite¨ du théologien. J'ai toujours plaint¨ Héloïse; elle avait un cœur fait pour aimer; mais Abélard ne m'a jamais paru qu'un misérable digne¨ de son sort¨ et connaissant aussi peu l'amour que la vertu. Apres l'avoir jugé¨ faudra-t-il que je l'imite? procédé; eu pitié d'; qui recevait justement; fatalité; critiqué;
S'il faut choisir entre l'honneur et vous, mon cœur est prêt¨ à vous perdre; il vous aime trop, ô Julie, pour vous conserver a ce prix. préparé;

 
DE JULIE
Je savais le parti¨ que vous prendriez. Nous nous connaissons trop bien pour en être encore à ces éléments. Si jamais la vertu¨ nous abandonne, ¨ ce ne sera pas, croyez-moi, dans les occasions qui demandent du courage et des sacrifices. la décision; attitude morale; quitte;
Je l'avais trop prévu; le temps du bonheur est passé comme un éclair; celui des disgrâces commence.
Je le sens, mon ami, le poids¨ de l'absence m'accable.¨ Je ne puis vivre sans toi, je le sens; c'est ce qui m’effraie¨ le plus. charge; est trop pour moi; fait peur;

 
À JULIE
Je n’étais encore qu'à la seconde lecture de ta lettre quand milord Édouard Bonnston est entré; et milord s'informa avec intérêt de ma situation; je lui en dis tout ce qu'il en devait savoir. Il a désiré de savoir en détail l'histoire de nos amours et les causes qui s'opposent au bonheur de ton ami; j'ai cru qu’après ta lettre une demi-confidence était dangereuse et de propos;¨ je l'ai faite entière, et il m'a écouté avec une attention qui m'attestait¨ sa sincérité.¨ Si le crédit et la richesse nous pouvaient être utiles, je crois que nous aurions lieu¨ de compter sur lui. hors pas juste; montrait; sérieux; motifs;

 
DE CLAIRE À JULIE
Faudra-t-il toujours, aimable cousine, ne remplir envers¨ toi que les plus tristes devoirs de l’amitié? à;
Hier, après le concert, nos deux pères restèrent avec milord à parler de politique. Une demi-heure après j'entendis nommer ton ami plusieurs fois avec assez de véhémence;¨ je connus¨ que la conversation avait changé d'objet, et je prêtai l'oreille.¨ Je jugeai¨ par la suite du discours¨ qu’Édouard avait osé proposer ton mariage avec ton ami. Ton père avait rejeté avec mépris¨ cette proposition. "Quoi! milord, " dit-il, "un homme d'honneur comme vous peut-il seulement penser que le dernier rejeton¨ d'une famille illustre aille éteindre¨ ou dégrader son nom dans celui d'un quidam¨ sans asile et réduit¨ à vivre d'aumônes?..." dureté; compris; écoutai; compris; des paroles; arrogance; enfant; faire finir; individu; forcé;
"Arrêtez, " interrompit Édouard; "vous parlez de mon ami; songez¨ que je prends pour moi tous les outrages¨ qui lui sont faits en ma présence, et que les noms injurieux¨ à un homme d'honneur le sont encore plus à celui qui les prononce. De tels quidams sont plus respectables que tous les hobereaux¨ de l'Europe!" pensez; offenses; blessants; petits nobles;
Je connus¨ à la réplique¨ de ton père que cette conversation ne faisait que l'aigrir.¨ Tu dois t'attendre de¨ sa part¨ à ¨ une explication terrible pour toi-même. compris; réponse; irriter; compter; côté; sur;
Je te l'ai dit et le répète plus fortement, éloigne ton ami, ou tu es perdue.

 
DE JULIE À CLAIRE
Tout ce que tu avais prévu, ma chère, est arrivé. Hier, une heure après notre retour, mon père entra dans la chambre de ma mère, les yeux étincelants, ¨ le visage enflammé, dans un état, ¨ en un mot, où je ne l'avais jamais vu. Je compris d'abord qu'il venait d'avoir querelle, ¨ ou qu'il allait la chercher; et ma conscience agitée me fit trembler d'avance. en feu; humeur; conflit;
Il commença par apostropher¨ vivement, mais en général, les mères de famille qui appellent indiscrètement chez elles des jeunes gens sans état¨ et sans nom. Il cita sans ménagement¨ en exemple ce qui s’était passé dans notre maison, depuis qu'on y avait introduit un prétendu¨ bel¨ esprit, un diseur de riens, plus propre¨ à corrompre¨ une fille sage qu'à lui donner aucune bonne instruction. Ma mère, qui vit qu'elle gagnerait¨ peu de chose à se taire¨ l'arrêta sur ce mot de corruption, et lui demanda ce qu'il trouvait dans la conduite¨ ou dans la réputation de l'honnête homme dont il parlait. Qui pût autoriser¨ de tels soupçons.¨ Je n'ai pas cru, ajouta-t-elle, que l' ces esprit et le mérite¨ fussent des titres d'exclusion¨ dans la société. À qui donc faudra-t-il ouvrir votre maison, si les talents et les mœurs¨ n'en obtiennent¨ pas l’entrée?" critiquer; standing; réserve; pseudo; cultivé; fait pour; dégénérer; profiterait; ne pas parler; actes; permettre; fausses idées; talents; punissables; bonne morale; reçoivent;
"À des gens sortable, ¨ madame, " reprit-il colère.¨ Alors commença une dangereuse altercation¨ durant ¨ laquelle ton indigne¨ cousine eût voulu être à cent pieds sous terre. présentable; fureur; discussion; pendant; ignoble;
"Vous savez, " m'a-t-il dit, "à qui je vous destine;¨ je vous l'ai déclaré des mon arrivée, et ne changerai jamais d'intention sur ce point. Quant¨ à l'homme dont m'a parlé milord Édouard, quoique¨ je ne lui dispute point le mérite¨ que tout le monde lui¨ trouve, je ne sais s'il a conçu¨ de lui-même le ridicule espoir de s'allier¨ à moi, ou si quelqu'un a pu le lui inspirer; mais, quand je n'aurais personne en vue, ¨ et qu'il aurait toutes les guinées de l'Angleterre, soyez sûre que je n'accepterais jamais un tel gendre.¨ Je vous défends de le voir et de lui parler de votre vie." ai donné en mariage; concernant; malgré que; valeur; en lui; à formé; apparenter; pensée à personne(pour un mariage); beau-fils;
A ces mots, il est sorti sans attendre ma réponse.
Voilà, ma Claire, comment s'est passée l'explication que tu avais prévue. Ne crois-tu pas, chère amie, que, malgré tous les préjugés, tous les obstacles, tous les revers¨ le ciel nous a faits l'un pour l'autre? Oui, oui, j'en suis sûre, il nous destine a être unis; il m'est impossible de perdre cette idée. malheurs;

 
DE CLAIRE À MONSIEUR D'ORBE
Mon père m'a rapporté ce matin l'entretien¨ qu'il eut hier avec vous. Je vois avec plaisir que tout s'achemine¨ à ce qu'il vous plaît¨ d'appeler votre bonheur. J’espère, vous le savez, d'y trouver aussi le mien; l'estime¨ et l’amitié vous sont acquises¨ et tout ce que mon cœur peut nourrir de sentiments plus tendres est encore à vous. conversation; va; vous voulez; respect; assurée;
Ainsi, monsieur, s'il est vrai que vous aimiez, votre intérêt s'accorde, en cette occasion, avec votre générosité; et ce n'est pas tellement ici l'affaire d'autrui, que ce soit aussi la vôtre.

 
DE CLAIRE A JULIE
Tout est fait, ma Julie est en sûreté.
J'ai passé la matinée à méditer mes discours¨ et à réfléchir sur l’impression qu'ils pouvaient faire. Enfin l’heure est venue, et j'ai vu entrer ton ami. Il avait l' air inquiet, ¨ et m'a demandé précipitamment¨ de tes nouvelles. J'ai eu le temps de lui détailler par ordre tout ce qu'il fallait qu'il sût. paroles; alarmé; vite;
"Voilà, mon cher, " ai-je poursuivi, ¨ "l’état actuel des choses: Julie est au bord de l'abîme, ¨ prête ਠs'y voir accabler¨ du déshonneur public, de l'indignation¨ de sa famille, des violences d'un père emporté¨ et de son propre désespoir. Il reste un seul moyen de prévenir tous ces maux, et ce moyen dépend de vous seul.Le sort¨ de votre amante est entre vos mains. Voyez si vous avez le courage de la sauver en vous éloignant d'elle." continué; perte; sur le point; surcharger; fureur; furieux; l'avenir;
"Il faut partir!" m'a-t-il dit d'un ton qu'une autre aurait cru tranquille.¨ Eh bien, je partirai. N'ai-je pas assez vécu?" calme;
Je tâchais de détourner ses idées funestes par celle d'une correspondance familière continuée entre nous. Nous nous sommes ensuite ajustés¨ pour les adresses des lettres. arrangés;

 
DE JULIE
Je viens, mon bon ami, de jouir¨ d'un des plus doux spectacles qui puissent jamais charmer mes yeux. avoir le plaisir;
La plus sage, la plus aimable des filles est enfin devenue la plus digne et la meilleure des femmes.¨ L'honnête homme dont elle a comblé¨ les vœux, ¨ plein, d'estime¨ et d'amour pour elle, ne respire¨ que pour la chérir, ¨ la rendre heureuse; et je goûte le charme inexprimable d'être témoin¨ du bonheur de mon amie. (mariées); réalisé; désirs; respect; vit; adorer; voir le;
Ne nous dissimulons¨ pas pourtant que cette amie incomparable va nous échapper en partie. La voilà dans un nouvel ordre de choses; la voilà sujette¨ à de nouveaux engagements, à de nouveaux devoirs. cachons; obligée;
Sur ce principe, j'ai déjà pris un prétexte¨ pour retirer tes lettres, que la crainte¨ d'une surprise me faisait tenir chez elle. J'ai imaginé un autre expédient¨ beaucoup moins sûr a la vérité, mais aussi moins répréhensible, ¨ en ce¨ qu'il ne compromet personne et ne nous donne aucun confident; c'est de m’écrire sous un nom en l'air¨ comme, par exemple, M.du Bosquet. Tandis que notre correspondance continuera par cette voie, ¨ je verrai si l'on peut reprendre quelque autre qui soit permanente et sûre. motif; peur; moyen; blâmable; par le fait; de fantaisie; manière;

 
DE JULIE
Tout est perdu! Tout est découvert! Je ne trouve plus tes lettres dans le lieu où je les avais cachées. Elles y étaient encore hier au soir. Elles n'ont pu être enlevées¨ que d'aujourd'hui. Ma mère seule peut les avoir surprises.¨ Si mon père les voit, c'est fait¨ de ma vie! Eh! que servirait qu'il ne les vît pas, s'il faut renoncer.. Ah Dieu! ma mère m'envoie appeler. Où fuir? emportées; trouvées; fini;
Comment soutenir¨ son regard? Elle voudra savoir... Il faudra tout dire.. Ne m’écris plus jusqu'à nouvel avis..¨ répondre à; information;
Qui sait jamais... Je pourrais... quoi!mentir!...mentir à ma mère!... Ah! s'il faut nous sauver par le mensonge, adieu, nous sommes perdus!

 
DE MADAME D'ORBE
Que de maux vous causez à ceux qui vous aiment; vous savez de quelle manière le secret de vos feux¨ dérobé¨ si longtemps aux soupçons¨ de ma tante, lui fut dévoilé¨ par vos lettres. Elle déplore¨ sa fatale illusion: sa plus cruelle peine¨ est d'avoir pu trop estimer¨ sa fille, et sa douleur est pour Julie un châtiment¨ cent fois pire¨ que ses reproches.¨ amour; caché; doutes; découvert; regrette; tristesse; respecter; punition; plus grande; réprimandes;
L'accablement¨ de cette pauvre cousine ne saurait s'imaginer. Elle se tient nuit et jour au chevet¨ de sa mère. découragement; lit;
Il est très clair que c'est la maladie de la mère qui soutient¨ les forces de la fille. maintient;
Le sacrifice que vous avez fait à l'honneur de Julie en quittant ce pays est garant de celui que vous allez faire à son repos en rompant¨ un commerce¨ inutile. Je veux vous montrer, comme il est vrai, que le parti¨ le plus honnête est aussi le plus sage, et que s'il peut rester quelque ressource¨ à votre amour, elle est dans le sacrifice que l'honneur et la raison vous imposent. arrêtant; contact; décision; possibilité;

 
DE JULIE
Elle n'est plus.¨ Mes yeux ont vu fermer les siens pour jamais, ¨ ma bouche a reçu son dernier soupir;¨ mon nom fut le dernier mot qu'elle prononça; son dernier regard fut tourné vers moi. est morte; toujours; respiration;
Âme pure et chaste, digne¨ épouse et mère incomparable, tu vis maintenant au séjour¨ de la gloire et de la félicité.¨ respectable; demeure; bonheur;
Et moi, je suis morte au bonheur, à la paix, à l'innocence; je ne sens plus que ta perte; je ne vois plus que ma honte, ¨ ma vie n'est plus que peine et douleur. Ma mère, ma tendre¨ mère, hélas! je suis bien plus morte que toi! déshonneur; douce;
Je ne viens plus, comme autrefois, partager avec vous des peines¨ qui devaient nous être communes. Ce sont les soupirs¨ d'un dernier adieu qui s’échappent malgré moi. C'en est fait¨ l'empire¨ de l'amour est éteint¨ dans une âme livrée au seul désespoir. Je consacre¨ le reste de mes jours à pleurer la meilleure des mères. S’il vous reste quelque respect pour la mémoire d'un nœud¨ si cher et si funeste, c'est par lui que je vous conjure¨ de me fuir à jamais;¨ de ne plus m’écrire. tristesses; lamentations; fini; domination; arrêté; donne; amour; prie; pour toujours;
Mon parti¨ est pris, je ne veux désoler¨ aucun de ceux que j'aime .Qu'un père esclave de sa parole¨ et jaloux¨ d'un vain¨ titre dispose de mon cœur. décision; attrister; promesse; avare; sans valeur;

 
DE MADAME D'ORBE
Julie est mariée, et digne¨ de rendre heureux l'honnête homme qui vient d'unir son sort¨ au sien. Après tant d'imprudences, rendez grâces au¨ ciel qui vous à sauvés, tous deux, elle de l'ignominie¨ et vous du regret de l'avoir déshonorée. Respectez son nouvel état; ne lui écrivez point; elle vous en prie. Attendez qu'elle vous écrive; c'est ce qu'elle fera dans peu.¨ Voici le temps où je vais connaître si vous méritez l'estime¨ que j'eus pour vous, et si votre cœur est sensible à une amitie pure et sans intérêt.¨ capable; vie; remerciez le; déshonneur; peu de temps; respect; égoïsme;

 
DE JULIE
Vous êtes depuis si longtemps le dépositaire¨ de tous les secrets de mon cœur, qu'il¨ ne saurait plus perdre une si douce habitude. Dans la plus importante occasion de ma vie il veut s’épancher¨ avec vous. possesseur; (=le cœur); ouvrir;
Liée¨ au sort¨ d'un époux, ou plutôt aux volontés d'un père, par une chaîne¨ indissoluble, ¨ j'entre dans une nouvelle carrière qui ne doit finir qu'à la mort. unie; vie; lien; définitive;
Mon père, en quittant le service, avait amené chez lui M.de Wolmar; la vie qu'il lui devait, ¨ et une liaison¨ de de vingt ans, lui rendaient cet ami si cher, qu'il ne pouvait se séparer de lui. M.de Wolmar avançait en âge et, quoique riche et de grande naissance, il ne trouvait point de femme qui lui convînt.¨ Mon père lui avait parlé de sa fille en¨ homme qui souhaitait¨ se faire un gendre¨ de son ami. Mon destin¨ voulut que je plusse à M.de Wolmar, qui n'avait jamais rien aimé. Ils se donnèrent secrètement leur parole. que celui-ci avait sauvé; amitié; plût; comme un; désirait; beau-fils; fatalité;
Après son départ, mon père nous déclara à ma mère et à moi qu'il me l'avait destiné¨ pour époux, ¨ et m'ordonna d'un ton qui ne laissait point de réplique¨ à ma timidité de me disposer¨ à recevoir sa main. décidé; mari; protestation; préparer;
La tristesse et l'amour consumaient¨ mon cœur; je tombai dans un abattement¨ dont mes lettres se sentirent.¨ brûlaient; découragement; que faisaient comprendre;
À peine eus-je retiré vos lettres de chez ma cousine qu'elles furent surprises. Le témoignage¨ était convaincant, ¨ la tristesse acheva¨ d’ôter¨ à ma mère le peu de forces que son mal lui avait laissées. Elle finit ses tristes jours dans la douleur de n'avoir pu fléchir¨ un époux sévère¨ et de laisser une fille si peu digne d'elle. preuve; clair; finit; prendre; faire changer; dur;
Accablée¨ d'une si cruelle perte, mon âme n'eut plus de force que pour la sentir. Je pris dans une espèce¨ d'horreur¨ la cause de tant de maux; je voulus étouffer¨ enfin l'odieuse¨ passion qui me les avait attirés, et renoncer ਠvous pour jamais.¨ Tout semblait favoriser ma résolution. M.de Wolmar arriva, et ne se rebuta¨ pas du changement de mon visage. Le jour qui devait m'ôter¨ pour jamais à vous et à moi me parut le dernier de ma vie. Arrivée à l’église, je sentis en entrant une sorte d’émotion que je n'avais jamais éprouvée.¨ Je crus voir l'organe de la Providence¨ et entendre la voix de Dieu dans le ministre¨ prononçant gravement la sainte liturgie. Une puissance inconnue sembla corriger tout à coup le désordre de mes affections¨ et les rétablir¨ selon la loi du devoir et de la nature.J'envisageai¨ le saint nœud¨ que j'allais former comme un nouvel état qui devait purifier mon âme et la rendre à tous ses devoirs. frappée; sorte; aversion; tuer; cruelle; abandonner; à toujours; découragea; allait prendre; eue; Dieu; pasteur; sentiments; remettre; regardai; mariage;
Quand le pasteur me demanda si je promettais obéissance et fidélité à celui que j'acceptais pour époux, ma bouche et mon cœur le promirent. Je le tiendrai jusqu'à la mort.

 
À MILORQ EDOUARD
Oui, milord, il est vrai, mon âme est oppressée¨ du poids¨ de la vie. Depuis longtemps elle m'est à charge; j'ai perdu tout ce qui pouvait me la¨ rendre chère, il ne m'en reste que les ennuis.¨ écrasée; charge; (=la vie); tristesse;
Robeck fit l'apologie de la mort volontaire avant de se la donner. Je ne veux pas faire un livre à son exemple et je ne suis pas fort¨ content du sien;mais j’espère imiter son sang froid.¨ J'ai longtemps médité sur ce grave sujet. Plus j'y réfléchis, plus je trouve que la question se réduit¨ ਠcette proposition fondamentale: chercher son bien et fuir son mal en ce qui n'offense point¨ autrui; c'est le droit de la nature. Quand notre vie est un mal pour nous, et n'est bien pour personne, il est donc permis de s'en délivrer. très; flegme, calme; résume; en; fait pas mal;

 
RÉPONSE
Jeune homme, un aveugle transport¨ t'égare;¨ sois plus discret. Une douleur insensée¨ te rend stupide et impitoyable. Je n'en veux pour preuve¨ que ta lettre même. Autrefois je trouvais en toi du sens¨ de la vérité. émotion; te trouble l'esprit; folle; marque; raison;
Tes sentiments étaient droits, tu pensais juste. Qu'ai-je trouvé maintenant dans les raisonnements de cette lettre dont tu parais si content?
Pour renverser¨ tout cela d'un mot, je veux te demander une seule chose. Toi qui crois Dieu existant, l’âme immortelle, et la liberté de l'homme, tu ne penses pas, sans doute, qu'un être intelligent reçoive un corps et soit placé sur la terre au hasard¨ seulement pour vivre, souffrir¨ et mourir? Il y a bien peut-être à la vie humaine un but, une fin, un objet moral? changer; sans but; être malheureux;
Ne dis donc plus que c'est un mal pour toi de vivre. Ne dis pas non plus qu'il t'est permis de mourir. Écoute-moi, jeune insensé, ¨ tu m'es cher, j'ai pitié de tes erreurs.¨ S'il te reste au fond du cœur le moindre sentiment de vertu¨ que je t'apprenne à aimer la vie. fou; fautes; morale;
Il faut, pour vous rendre à vous-même, que vous sortiez d'au-dedans de vous, et ce n'est que dans l'agitation d'une vie active que vous pouvez trouver le repos. Il se présente pour cette épreuve¨ une occasion qui n'est pas à dédaigner;¨ il est question d'une entreprise¨ grande, belle, et telle que bien des âges n'en voient pas de semblables.¨ Il dépend de vous d'en être témoin¨ et d'y concourir.¨ test; refuser; affaire; mêmes; présent; prendre part;
Vous savez qu'on vient d'armer à Plymouth une escadre de cinq vaisseaux¨ de guerre, et qu'elle est prête à mettre à"voile.¨ Celui qui doit la commander est M.George Anson, habile et vaillant¨ officier, mon ancien ami. Elle est destinée¨ pour la mer du Sud, où elle doit se rendre¨ par le détroit de Le Maire, et en revenir par les Indes orientales. Ainsi vous voyez qu'il n'est pas question de moins que du tour du monde. bateaux; partir; courageux; faite; aller;
Je compte¨ retourner demain à Londres et vous présenter a M.Anson dans deux jours. En attendant, ¨ songez¨ à votre équipage, ¨ et à vous pourvoir¨ d'instruments et de livres; car l'embarquement est prêt et l'on n'attend plus que l'ordre du départ. Mon cher ami, j'espère que Dieu vous ramènera sain¨ de corps et de cœur de ce long voyage. pense; pendant ce temps; pensez; matériel; acheter; en bonne santé;

 
À MADAME D'ORBE
Je pars, chère et charmante cousine, pour faire le tour du globe; je vais chercher dans un autre hémisphère¨ la paix dont je n'ai pu jouir dans celui-ci. Sans espérer de guérir, il faut au moins le vouloir, puisque Julie et la vertu¨ l’ordonnent. côté du globe; loyauté;
J'entends le signal et les cris des matelots; je vois fraîchir¨ le vent et déployer les voiles. Il faut monter à bord, il faut partir. devenir plus fort;

 
À MADAME D'ORBE
Ma cousine, ma bienfaitrice, mon amie, j'arrive des extrémités¨ de la terre; j'ai fait le tour du monde. J'ai beaucoup souffert, ¨ j'ai vu souffrir d'avantage.¨ Mais ce que je n'ai point vu dans le monde entier, c'est quelqu'un qui ressemble a Claire d'Orbe, à Julie d'Etange, et qui puisse consoler¨ de leur perte un cœur qui sut les aimer. bout; eu mal; plus; compenser;
Comment vous parler de ma guérison? C'est de vous que je dois apprendre à la connaître. Reviens-je plus libre et plus sage que je ne suis parti? J'ose le croire et ne puis l'affirmer. La même image règne toujours dans mon cœur; vous savez s'il est possible qu'elle s'en efface, ¨ mais il me semble que mes sentiments ne se sont pas affaiblis, mais rectifiés; et, avec quelque soin¨ que je m'examine, je les trouve aussi purs que l'objet¨ qui les inspire. Souffrez¨ que je vous voie, et m'examinez vous-même; ou laissez-moi voir Julie, et je saurai ce que je suis. en sorte; attention; personne; permettez;

 
DE M. DE WOLMAR
Quoique nous ne nous connaissions pas encore, je suis chargé de vous écrire. La plus sage et la plus chérie des femmes vient d'ouvrir son cœur à son heureux époux. Il vous croit digne d 'avoir¨ été aimé d'elle, et il vous offre sa maison. L'innocence et la paix y règnent; vous y trouverez l'amitié, l’hospitalité, ¨ l'estime, ¨ la confiance. Consultez votre cœur; et, s'il n'y a rien là qui vous effraye, ¨ venez sans crainte;¨ vous ne partirez point d'ici sans y laisser un ami. avoir droit; bonne réception; respect; fait peur; peur;

 
À MILORD EDOUARD
Je me lève au milieu de la nuit pour vous écrire. Je ne saurais trouver un moment de repos. Mon cœur agité, transporté¨ ne peut se contenir au-de-dans de moi; il a besoin de s'épancher.¨ extasié; s'ouvrir;
Je l'ai vue, milord! mes yeux l'ont vue! J'ai entendu sa voix; ses mains ont touché les miennes; elle m'a reconnu; elle m'a appelé son ami, son cher ami; elle m'a reçu dans sa maison; plus heureux que je ne fus de ma vie, je loge avec elle sous un même toit, et maintenant que je vous écris, je suis a trente pas d'elle.
Mes idées sont trop vives pour se succéder.¨ Je vais m'arrêter et reprendre haleine pour tâcher de mettre quelque ordre dans mon récit.¨ être logiques; ce que je raconte;
Jusque là je m’étais toujours rappelé Julie brillante comme autrefois des charmes de sa première jeunesse. Maintenant j'allais voir Julie mariée, Julie mère.
En arrivant, je fis arrêter à la grille; j'envoyai le postillon dire qu'un étranger demandait à parler à M. de Wolmar. Il était à la promenade avec sa femme. On les avertit. À peine Julie m'eut-elle aperçu qu'elle me reconnut. À l'instant, ¨ me voir, s’écrier, courir, s’élancer¨ dans mes bras, ne fut pour elle qu'une même chose. immédiatement; se jeter;
À peine étions-nous dans le salon qu'elle disparut, et rentra le moment d’après. Elle n’était pas seule. Qui pensez-vous qu'elle amenait avec elle? Milord, c’étaient ses enfants, ses deux enfants plus beaux que le jour, et portant déjà sur leur physionomie¨ enfantine le charme de leur mère. Que devins-je à cet aspect?¨ Dès¨ cet instant, je connus qu'elle ou moi n’étions plus les mêmes. Tout ce que je sais très certainement, c'est que, si mes sentiments pour elle n'ont pas changé d’espèce, ¨ ils ont au moins bien change de forme. visage; en voyant cela; immédiatement à; caractère;

 
À MILORD EDOUARD
Je veux, milord, vous rendre compte¨ d'un danger que nous courûmes ces jours passés. Vous savez que la maison de Mme de Wolmar n'est pas loin du lac, et qu'elle aime les promenades sur l'eau. Il y a trois jours que le désœuvrement¨ ou l'absence de son mari nous laisse et la beauté de la soirée nous firent projeter une de ces promenades pour le lendemain. Au lever du soleil nous nous rendîmes¨ au rivage;¨ nous prîmes un bateau avec des filets pour pêcher. Nous passâmes une heure ou deux à pêcher à cinq pas du rivage. Nous avançâmes ensuite en pleine eau. Tandis que nous nous amusions agréablement à parcourir des yeux les cotes voisines, un séchard, ¨ qui nous poussait vers la rive opposée, s’éleva; et, quand nous songeâmes ਠrevirer, ¨ la résistance se trouva si forte qu'il ne fut plus possible à notre frêle¨ bateau de la vaincre; il fallut regagner¨ la rive de Savoie, et tâcher d'y prendre terre. En abordant, ¨ toutes les fatigues furent oubliées; le petit terrain où nous étions étalait les charmes d'un séjour riant¨ et champêtre; il semblait que ce lieu dût être l'asile de deux amants échappée seuls au bouleversement¨ de la nature. rapporter; inactivité; allâmes; bord du lac; vent sec; voulurent; retourner; peu solide; retourner à; arrivant au rivage; agréable; agitation;
"Quoi!" dis-je à Julie, "votre cœur ne vous dit-il rien ici, et ne sentez-vous point quelque émotion secrète à l'aspect¨ d'un lieu si plein de vous? O Julie, éternel charme de mon cœur! Voici les lieux où soupira¨ jadis¨ pour toi le plus fidèle amant du monde. Faut-il me retrouver avec toi dans les mêmes lieux, et regretter le temps que j'y passais a gémir¨ de ton absence?"Je me mis¨ à verser¨ un torrent¨ de larmes; je repris sa main. en voyant; lamenta; autrefois; me lamenter; commençai; pleurer; beaucoup;
Elle tenait son mouchoir; je le sentis fort mouillé.
"Ah!" lui dis-je tout bas, "je vois que nos cœurs n'ont jamais cessé¨ de s'entendre."¨ arrêté; se comprendre;
"Il est vrai, " dit-elle d'une voix altérée, ¨ mais que ce soit la dernière fois qu'ils auront parlé sur ce ton." changée;
Voilà, mon ami, le détail du jour de ma vie où, sans exception, j'ai senti les émotions les plus vives. J'espère qu'elles seront la crise qui me rendra tout a fait à moi. Au reste, je vous dirai que cette aventure m'a plus convaincu¨ que tous les arguments de la liberté de l'homme et du mérite¨ de la vertu.¨ Combien de gens sont faiblement tentés¨ et succombent?¨ Pour Julie, mes yeux le virent et mon cœur le sentit; elle soutint¨ ce jour-là le plus grand combat qu’âme humaine ait pu soutenir; elle vainquit¨ pourtant. fait comprendre(la situation); valeur; pureté; éprouvés; sont vaincus; fit; triompha;

 
À MILORD EDOUARD
Oui, milord, je vous le confirme avec des transports¨ de joie: la paix est au fond de mon âme comme dans le séjour¨ que j'habite. La simplicité, l’égalité que j'y vois régner ont un attrait¨ qui me touche et me porte au respect. En fréquentant¨ ces heureux époux leur ascendant¨ me gagne. Contents de leur sort, ¨ ils jouissent paisiblement¨ contents de leur fortune¨ ils ne travaillent pas a l'augmenter extases; maison; charme; en voyant régulièrement; influence; vie; calmement; argent;

 
À MADAME D'ORBE
Milord avait craint¨ l'attendrissement¨ et , comparant ce départ à celui dont il me rappelait l’idée, je me sentis si différent de ce que j’étais alors. eu peur de; émotions;
Je partis le cœur plein de tous mes devoirs. Nous ne rentrâmes à Villeneuve qu'à la nuit. Dans huit jours nous comptons être à Rome, et j'espère y trouver de vos nouvelles en arrivant.

 
DE FANCHON ANET
Ah! monsieur, que me charge-t-on de vous apprendre!¨ Madame...ma pauvre maîtresse...O Dieu! Ah! que deviendrez-vous quand vous saurez notre malheur?. faire savoir;
Toute la famille alla dîner à Chillon. On se promena le long de la digue. Monseigneur le bailli¨ offrit le bras à madame. Pour le prendre elle me renvoie Marcellin; il court à moi, j'accours à lui; en courant l'enfant fait un faux pas, le pied lui manque, il tombe dans l'eau. Je pousse¨ un cri perçant;¨ Madame se retourne, voit tomber son fils, part comme un trait¨ et s’élance¨ après lui. On n'avait là ni gens, ni bateau, il fallut¨ du temps pour les retirer...L'enfant est remis, ¨ mais la mère...Ma bonne maîtresse! ah! si je vous perds, je n'aurai plus besoin de personne...O mon cher monsieur, que le bon Dieu vous soutienne¨ dans cette épreuve.¨ juge; produit; fort; vite; saute; ça prenait; guéri; aide; charge;

 
DE MADAME D'ORBE
C'en est fait!¨ Jamais vous ne la reverrez... Julie n'est..¨ fini; est morte;
Elle vous a écrit. Attendez sa lettre; honorez ses dernières volontés. Il vous reste de grands devoirs à remplir sur la terre.

 
LETTRE DE JULIE
Je me suis longtemps fait illusion.
Cette illusion me fut salutaire;¨ elle se détruit au moment que je n'en ai plus besoin. Vous m'avez crue guérie, et j'ai cru l'être. Oui, j'eus beau vouloir¨ étouffer¨ le premier sentiment qui m'a fait vivre, il s'est concentré dans mon cœur. Il s'y réveille au moment qu'il n'est plus à craindre; il me soutient¨ quand mes forces m'abandonnent; il me ranime quand je me meurs. Mon ami, je fais cet aveu¨ sans honte.¨ N'ai-je pas assez vécu pour le bonheur et pour la vertu? Que me restait-il d'utile à tirer de la vie? En me l'ôtant¨ le ciel ne m'ôte plus rien de regrettable, et met mon honneur à couvert.¨ Mon ami, je pars au moment favorable, contente de vous et de moi; je pars avec joie, et ce départ n'a rien de cruel. Après tant de sacrifices, je compte pour peu celui qui me reste à faire; ce n'est que mourir une fois de plus. bonne; malgré que je voulusse; dominer; aide; confession; réserve; prenant; en sûreté;
Je prévois vos douleurs, je les sens; vous restez à plaindre, je le sais trop; et le sentiment de votre affliction¨ est la plus grande peine que j'emporte avec moi. tristesse;
Adieu, adieu, mon doux ami... Non je ne te quitte pas, je vais t'attendre. La vertu qui nous sépara sur la terre nous unira dans le séjour éternel.¨ Je meurs dans cette attente, trop heureuse d'acheter au prix de ma vie le droit de t'aimer toujours sans crime, et de te le dire encore une fois! paradis;

22.4. Du contrat social (l762)

L'homme est né libre et partout il est dans les fers.¨ Comment ce changement s'est-il fait? Je l'ignore.¨ Qu'est ce qui peut le rendre¨ légitime? Je crois pouvoir résoudre cette question. emprisonné; sais pas; faire;
L'ordre social est un droit sacré, qui sert de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de la nature; il est donc fondé¨ sur des conventions. basé;
La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille. Encore¨ les enfants ne restent-ils liés¨ au père qu'aussi longtemps qu'ils ont besoin de lui pour se conserver.¨ Sitôt¨ que ce besoin cesse, ¨ le lien naturel se dissout.¨ Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l'homme. Sa première loi est de veiller¨ à sa propre conservation. et de plus; unis; survivre; immédiatement; s'arrête; finit; défendre;
La famille est donc, si l'on veut, le premier modèle des sociétés politiques, le chef est l'image¨ du père, le peuple est l'image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n’aliènent¨ leur liberté que pour leur utilité. symbole; abandonnent;
Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme¨ sa force en droit.De là le droit du plus fort. Mais sitôt que¨ c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause; sitôt qu'on peut désobéir impunément, on le peut légitimement. Or, qu'est-ce qu un droit qui périt¨ quand la force cesse?¨ On voit donc que ce mot de droit n'ajoute rien à la force. change; immédiatement quand; disparaît; s' arrête;
Puisqu'aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime.
Il y aura toujours une grande différence entre soumettre¨ une multitude¨ et régir¨ une société. Dans le despotisme je ne vois qu'un maître et des esclaves, je n'y vois point un peuple et son chef. Cet homme (le despote) n'est toujours qu'un particulier; son intérêt¨ n'est toujours qu'un intérêt privé. Si ce même homme vient à périr, ¨ son empire après lui reste épars¨ et sans laison.¨ dominer; masse; gouverner; profit; meurt; en désordre; unité;
Un peuple, dit Grotius, peut se donner à un roi. Selon Grotius, un peuple est donc un peuple avant de se donner à un roi. Avant d'examiner¨ l'acte par lequel un peuple élit¨ un roi, il serait bon d'examiner l'acte par lequel un peuple est un peuple. étudier; choisit;
Je suppose les hommes parvenus¨ à ce point où les obstacles qui nuisent ਠleur conservation¨ dans l’état de nature l'emportent¨ par leur résistance¨ sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état. Alors, les hommes n'ont plus d'autre moyen pour se conserver que de former par agrégation¨ une somme¨ de forces qui puisse l'emporter¨ sur la résistance. Cette somme de forces ne peut naître que du concours¨ de plusieurs. Mais la force et la liberté de chaque homme étant les premiers instruments de sa conservation, comment les engagera-t-il¨ sans se nuire, ¨ et sans négliger¨ les soins qu'il se doit? Cette difficulté ramenée à mon sujet peut s’énoncer en ces termes: arrivés; font du mal à; survie; triomphent; force; union; total; triompher; coopération; mettra-t-il en jeu; faire du mal; oublier;
"Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune¨ la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n’obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant."¨ Tel est le problème fondamental dont le contrat social donna la solution. collective; avant cela;
Si on écarte¨ du pacte social ce qui n'est pas de son essence, on trouvera qu'il se réduit¨ aux termes suivants: élimine; résume;
Chacun de nous met en commun¨ sa personne et toute sa puissance sous la suprême¨ direction de la volonté générale; et nous recevons¨ en corps¨ chaque membre¨ comme partie indivisible du tout. collectivité; supérieur; adoptons; unité; individu;
Cet acte d'association produit un corps moral et collectif composé d'autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. À l’égard¨ des associés ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s'appellent en particulier citoyens comme participants à l’autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l’état. devant les;
Le plus grand bien qui doit être la fin¨ de tout système de législation, se réduit ਠces deux objets principaux, la liberté et l’égalité. but; résume en;
La liberté, parce que toute dépendance particulière est autant de force ôtée¨ au corps de l’État; l’égalité, parce que la liberté ne peut subsister¨ sans elle. prise; survivre;
On distingue puissance législative et puissance exécutive.
La puissance législative appartient¨ au peuple; la puissance exécutive ne peut appartenir à la généralité ¨ comme législative ou souveraine.Il faut donc à la force publique un agent¨ propre¨ qui la réunisse et la mette en œuvre selon les directions¨ de la volonté générale. est; collectivité; corps; spécial; indications;
Voilà quelle est dans l’État la raison du gouvernement. La voix du plus grand nombre oblige¨ toujours tous les autres; c'est une suite¨ du contrat même. Mais on demande comment un homme peut être libre, et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas les siennes. s'impose; conséquence;
La question est mal posée. Le citoyen consent¨ à toutes les lois, même à celles qu'on passe¨ malgré lui. La volonté générale: c'est par elle qu'ils sont citoyens et libres. Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple, ce qu'on leur demande n'est pas précisément s' ils approuvent¨ la proposition ou s'ils la rejettent, mais si elle est conforme ou non à la volonté générale. est d'accord avec; accepte; acceptent;
Le christianisme est une religion toute spirituelle, occupée uniquement des choses du Ciel; la patrie du chrétien n'est pas de ce monde. Il fait son devoir, il est vrai, mais il le fait avec une profonde indifférence. Si malheureusement il s'y trouve un seul ambitieux, celui-là très certainement aura bon marché de¨ ses pieux compatriotes. Or, il importe bien à l’État que chaque citoyen ait une religion qui lui fasse aimer ses devoirs. Il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au¨ souverain de fixer les articles. s'imposera facilement sur; est la tâche du;

22.5. Émile ou de l'éducation

Tout est bien sortant¨ des mains de l'Auteur des choses, ¨ tout dégénère entre les mains de l'homme. Nous naissons faibles, nous avons besoin de force. Tout ce que nous n'avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands, nous est donne par l’éducation. ce qui sort; Dieu;
Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses. Le développement interne de nos facultés et capacités de nos organes est l’éducation de la nature; l'usage qu'on nous apprend à faire de ce développement est l'éducation des hommes; et l'acquis¨ de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent¨ est l’éducation des choses. développement; impressionnent;
Chacun de nous est donc formé par trois sortes de maîtres. Le disciple dans lequel leurs diverses leçons se contrarient est mal eleve, et ne sera jamais d'accord avec lui-même; celui dans lequel elles tombent toutes sur les mêmes points, et tendent¨ aux mêmes fins¨ va seul à son but et vit conséquemment. Celui-la seul est bien élevé. vont; buts;
Voulez-vous donc qu'il garde sa forme originelle, conservez-la dès¨ l'instant qu'il vient au monde, Sitôt qu'il naît, emparez-vous de lui, et ne le quittez plus qu'il ne soit homme; vous ne roussirez jamais sans cela. immédiatement;
C'est surtout dans les premières années de la vie que l'air agit¨ sur la constitution des enfants. Les villes sont le gouffre¨ de l’espèce¨ humaine. Envoyez vos enfants reprendre, au milieu des champs, la vigueur¨ qu'on perd dans l'air malsain¨ des lieux trop peuplés. influence; ruine; race; force; mauvais pour la santé;
Je le répète, l’éducation de l'homme commence à sa naissance; avant de parler, avant que d'entendre, il s'instruit déjà: l’expérience prévient les leçons.
Dès que l'enfant commence à distinguer les objets, il importe de mettre du choix¨ dans ceux qu'on lui montre. Je veux qu'on l'habitue à voir des objets nouveaux, mais peu à peu, de loin, jusqu'à ce qu'il y soit accoutumé et qu'à force de les voir¨ manier¨ à d'autres, il les manie enfin lui-même. une sélection; par le fait qu'il les voit; utiliser;
Les enfants entendent parler dès¨ leur naissance; on leur parle non seulement avant qu'ils comprennent ce qu'on leur dit, mais avant qu'ils puissent rendre les voix qu'ils entendent. Je voudrais que les premières articulations qu'on lui fait entendre fussent rares, ¨ faciles, distinctes, ¨ souvent répétées et que les mots qu'elles expriment ne se rapportassent qu'a des objets sensibles qu'on pût d'abord montrer aux enfants. immédiatement à; sporadiques; nettes;
L'enfant qui veut parler ne doit écouter que les mots qu'il peut entendre, ne dire que ceux qu'il peut articuler.
Les enfants qu'on presse trop de parler, ont le temps ni d'apprendre à bien prononcer, ni de bien concevoir¨ ce qu'on leur fait dire. Le plus grand mal de la précipitation¨ avec laquelle on fait parler les enfants avant l'age, n'est pas que les premiers discours¨ qu'on leur tient et les premiers mots qu'ils disent n'aient aucun sens¨ pour eux mais qu'ils aient un autre sens que le nôtre. se faire une idée de; trop grande hâte; paroles; signification;
Resserrez¨ donc le plus qu' il est possible le vocabulaire de l'enfant. diminuez;
C'est ici le second terme de la vie, et celui auquel proprement¨ finit l'enfance. précisément;
Quand les enfants commencent à parler, ils pleurent moins.
Ce progrès est naturel; un langage est substitué¨ à l'autre. Sitôt qu'ils peuvent dire qu'ils souffrent¨ avec des paroles, pourquoi le diraient-ils avec des cris? remplacé; ont mal;
Maintenez¨ l'enfant dans la seule dépendance des choses, vous aurez suivi l'ordre de la nature dans le progrès de son éducation. N'offrez jamais a ses volontés indiscrètes que des obstacles physiques¨ ou des punitions qui naissent des actions mêmes. L’expérience ou l'impuissance doivent seules lui tenir lieu¨ de loi.N'accordez¨ rien à ses désirs parce qu'il le demande, mais parce qu'il en a besoin. gardez; matérielles; prendre la place; donnez;
Votre enfant dyscole¨ gâte¨ tout ce qu'il touche; ne vous fâchez point; mettez hors de sa portée¨ ce qu'il peut gâter. Il casse les fenêtres de sa chambre; laissez le vent souffler sur lui nuit et jour sans vous soucier¨ des rhumes;¨ car il vaut mieux qu'il soit enrhumé que fou. Enfin, après que l'enfant aura demeuré là plusieurs heures, assez longtemps pour s'y ennuyer et s'en souvenir, ¨ quelqu'un lui suggérera de vous proposer un accord au moyen duquel¨ vous lui rendriez la liberté, et il ne casserait plus de vitres. Il ne demandera pas mieux, ¨ il vous fera prier de le venir voir; vous viendrez; il vous fera sa proposition, et vous l'accepterez à l'instant¨ en lui disant: C'est très bien pensé; que¨ n'avez-vous eu plus tôt cette bonne idée! méchant; ruine; loin de lui; troubler; maladies du nez; en garder un souvenir; par lequel; voudra bien; immédiatement; pourquoi;
J'en ai dit assez pour faire entendre¨ qu'il ne faut jamais infliger¨ aux enfants le châtiment¨ comme châtiment, mais qu'il doit toujours leur arriver comme une suite¨ naturelle de leur mauvaise action. comprendre; donner; punition; conséquence;
Quoique la mémoire et le raisonnement soient deux facultés¨ essentiellement différentes, cependant l'une ne se développe véritablement qu'avec l'autre. Je suis cependant bien éloigné¨ de penser que les enfants n'aient aucune espèce¨ de raisonnement. Au contraire, je vois qu'ils raisonnent très bien dans tout ce qu'ils connaissent et qui se rapporte à leur intérêt¨ présent et sensible.¨ Mais c'est sur leurs connaissances que l'on se trompe en leur prêtant¨ celles qu'ils n'ont pas, et faisant raisonner sur ce qu'ils ne sauraient comprendre. activités; loin; sorte; profit; évident; les supposant;
Émile n'apprendra jamais rien par cœur, pas même des fables. En ôtant¨ ainsi tous les devoirs des enfants, j'ôte les instruments de leur plus grande misère, savoir¨ les livres. La lecture est le fléau¨ de l'enfance, et presque la seule occupation¨ qu'on lui sait donner. À peine à douze ans Émile saura-t-il ce que c'est qu'un livre. Mais il faut bien au moins, dira-t-on, qu'il sache lire. J'en conviens, ¨ il faut qu'il sache lire quand la lecture lui est utile; jusqu'alors elle n'est bonne qu'à l'ennuyer. retirant; c'est-à-dire; catastrophe pour; activité; suis d'accord;
Si l'on ne doit rien exiger des¨ enfants par obéissance, il s'ensuit¨ qu'ils ne peuvent rien apprendre dont ils ne sentent l'avantage¨ actuel et présent. demander aux; en résulte; profit;
On se fait une grande affaire de chercher les meilleures méthodes d'apprendre a lire. L’intérêt¨ présent, voilà le grand mobile, ¨ le seul qui mène sûrement et loin. profit; impulsion;
À douze ou treize ans les forces de l'enfant se développent bien plus rapidement que ses besoins. Que fera-t-il donc de cet excédent¨ de facultés¨ et de forces qu'il a de trop à présent? Il tâchera de l'employer à des soins qui lui puissent profiter au besoin.¨ Voici donc le temps des travaux, des instructions, des études, et c'est la nature elle-même qui l'indique.¨ surplus; capacités; quand il en aura besoin; fait savoir;
Sitôt que nous sommes parvenus¨ à donner à notre élève une idée du mot utile, nous avons une grande prise¨ de plus¨ pour le gouverner. Songez¨ bien que c'est rarement à vous de lui proposer ce qu'il doit apprendre; c'est à exceptionnel à lui de le désirer, de le chercher, de le trouver ; à vous de le mettre à sa portée, ¨ de faire naître adroitement ce désir et de lui fournir¨ les moyens de le satisfaire.¨ avons réussi; influence; extra; pensez; près de lui; donner; contenter;
De plus¨ il importe¨ il est important peu qu'il apprenne ceci ou cela, pourvu¨ qu'il conçoive¨ bien ce qu'il apprend. et; ; à condition; comprenne;
Je n'aime point les explications en discours.¨ Supposons que, tandis que j’étudie avec mon élève le cours du soleil et la manière de s'orienter, tout à coup il m'interrompe pour me demander à quoi sert tout cela. Quel beau discours¨ je vais lui faire! Quand j'aurai tout dit, j'aurai fait l’étalage d'un vrai pédant, auquel il n'aura pas compris une seule idée. Ainsi se pratiquent les belles éducations. paroles; prédication;
Mais notre Émile, plus rustiquement élevé, n’écoutera rien de tout cela. Du premier mot qu'il n'entendra¨ pas, il va s'enfuir. Cherchons une solution plus grossière. comprendra;
Nous observions la position de la forêt au nord de Montmorency, quand il m'a interrompu par son importune¨ question: À quoi sert cela? irritante;
Vous avez raison, lui dis-je.
Le lendemain matin, je lui propose un tour de promenade avant le déjeuner; il ne demande pas mieux. Nous montons dans la forêt, nous parcourons les Champeaux, nous nous égarons, ¨ nous ne savons plus ou nous sommes; et, quand il s'agit de¨ revenir, nous ne pouvons plus retrouver notre chemin. Nous nous asseyons enfin pour nous reposer, pour délibérer. Émile pleure; il ne sait pas que nous sommes à la porte de Montmorency, et qu'un simple taillis¨ nous le cache; mais ce taillis est une forêt pour lui. perdons le chemin; nous devons; petits arbres;
EMILE en pleurant à chaudes larmes:Je suis las, ¨ j'ai faim; j'ai soif, je n'en puis plus. fatigué;
JEANJACQUES Me croyez-vous en meilleur état que vous? Il ne s'agit pas de pleurer, il s'agit de se reconnaître¨ Voyons votre montre; quelle heure est-il? savoir où on est;
EM Il est midi, et je suis à jeun.¨ j'ai faim;
JJ Cela est vrai, il est midi, et je suis à jeun.
EM Oh; que devez-vous avoir faim!
JJ Le malheur est que mon dîner ne viendra pas me chercher ici. Il est midi: c'est justement l'heure ou nous observions hier de Montmorency la position de la forêt. Si nous pouvions de même¨ observer de la forêt la position de Montmorency... de la même manière;
EM Oui; mais hier nous voyions la forêt, et d'ici nous ne voyons pas la ville. JJ Voila le mal... Si nous pouvions nous passer¨ de la voir pour trouver sa position... ne pas avoir;
EM O mon bon ami!
JJ Ne disions-nous pas que la forêt était ...
EM Au nord de Montmorency.
JJ Par conséquent, ¨ Montmorency doit être ... en concluant;
EM Au sud de la forêt.
JJ Nous avons un moyen de trouver le bord à midi?
EM Oui, par la direction de l'ombre.
JJ Mais le sud?
EM Comment faire?
JJ Le sud est l’opposé du nord.
EM Cela est vrai; il n'y a qu'ਠchercher l'opposé de l' ombre. Oh!voilà le sud! voila le sud! sûrement Montmorency est de ce côté. nous avons seulement à;
JJ Vous pouvez avoir raison; prenons ce sentier¨ à travers le bois. petit chemin;
EM frappant des mains, et poussant un cri de joie: Ah! je vois Montmorency! Allons déjeuner, allons dîner, courons vite:l'astronomie est bonne à quelque chose.
Soyez sûr qu'il n'oubliera de sa vie la leçon de cette journée.
C'est par leur rapport sensible¨ avec son utilité, sa sûreté, sa conservation, son bien-être, qu'il doit apprécier tous les corps de la nature et tous les travaux des hommes. L'art dont l'usage¨ est le plus général et le plus indispensable¨ est incontestablement¨ celui qui mérite¨ le plus d'estime.¨ Le premier et le plus respectable de tous les arts est l'agriculture. Et de toutes les occupations¨ qui peuvent fournir¨ la subsistance¨ a l'homme, celle qui le rapproche le plus de l’état de nature est le travail des mains; de toutes les conditions, la plus indépendante de la fortune et des hommes est celle de l'artisan. L'artisan ne dépend que de son travail; il est libre, aussi libre que le laboureur¨ est esclave;car celui-ci tient ਠson champ, dont la récolte¨ est à la discrétion¨ d'autrui. L'ennemi, le prince, un voisin puissant, un procès, lui peut enlever¨ ce champ; par ce champ on peut le vexer¨ en mille manières; mais partout ou l'on veut vexer l’artisan, son bagage est bientôt fait. Toutefois: l'agriculture est le premier métier de l'homme. évident; pratique; nécessaire; sans aucun doute; doit attirer; respect; activités; donner; nourriture; agriculteur; dépend de; production; dépend; prendre; contrarier;
Quand Émile apprendra son métier, je veux l'apprendre avec lui; car je suis convaincu qu'il n'apprendra jamais bien que ce que nous apprendrons ensemble.
Nous naissons, pour ainsi dire, en deux fois: l'une pour exister, et l'autre pour vivre; l'une pour l’espèce, ¨ l'autre pour le sexe. Cette orageuse révolution s'annonce par le murmure des passions naissantes. C'est ici que l'homme naît véritablement à la vie. race;
Nos passions sont les principaux instruments de notre conservation: c'est donc une entreprise aussi vaine¨ que ridicule de vouloir les détruire; c'est contrôler la nature, c'est réformer l'ouvrage de Dieu. inutile;
Le penchant¨ de l'instinct est indéterminé.¨ Un sexe est attiré vers l'autre; voilà le mouvement de la nature. Il convient¨ d’éclairer¨ les enfants de bonne heure¨ sur les objets de leur curiosité. Si l'on prend le parti¨ de répondre, que ce soit avec la plus grande simplicité, sans mystère. Je ne vois qu'un bon moyen de conserver un seul aux enfants leur innocence: c'est que tous ceux qui les entourent la respectent et l'aiment. impulsion; imprécise; il faut; informer; tôt; décide;
Maintenant qu'il commence à sentir ce que c'est qu'aimer, il sent aussi quel doux lien¨ peut unir un homme à ce qu'il aime. Des premiers mouvements du cœur s’élèvent les premières voix de la conscience, ¨ et des sentiments d'amour et de haine naissent les premières notions du bien et du mal; justice et bonté ne sont point seulement des mots abstraits, mais de véritables affections¨ de l’âme éclairée par la raison. relation; sentiment de la morale; sentiments;
Au lieu de vous dire ici ce que je pense, je vous dirai ce que pensait un homme qui valait mieux que moi.

 
PROFESSION DE FOI DU VICAIRE¨ SAVOYARD prêtre;
Mon enfant, n'attendez de moi ni des discours savants, ni de profonds raisonnements.
Plus je réfléchis sur la pensée et sur la nature de l'esprit humain, plus je trouve que le raisonnement des matérialistes ressemble à celui d'un sourd. Ils sont sourds, en effet, à la voix intérieure qui leur crie d'un ton difficile à méconnaître: Une machine ne pense point, il n'y a ni mouvement ni figure qui produise la réflexion.
Nul être matériel n'est actif par lui-même, et moi je le suis; je le sens, et ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. Si l'homme est actif et libre, il agit de lui-même; tout ce qu'il fait librement n'entre point dans le système ordonné de la Providence¨ et ne peut lui être imputé.¨ Elle ne veut point le mal que fait l'homme. C'est l'abus¨ de nos facultés¨ qui nous rend malheureux et méchants. Nos chagrins, nos soucis, ¨ nos peines, nous viennent de nous. Le mal moral est incontestablement¨ notre ouvrage. Homme, ne cherche plus l'auteur du mal; cet auteur, c'est toi-même. Dieu; compté comme faute; excès; capacités; alarmes; sans aucun doute;
La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent? et alors lequel faut-il écouter? Trop souvent la raison nous trompe; mais la conscience ne trompe jamais; elle est le vrai guide de l'homme. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure. Dieu n'a-t-il pas tout dit a nos yeux, à notre conscience? Qu'est-ce que les hommes nous diront de plus? Loin d’éclaircir les notions du grand Être, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent¨ obscurcissent;
Dès que les peuples se sont avisés¨ de faire parler Dieu, chacun l'a fait parler à sa mode. Si l'on eût¨ écouté ce que Dieu dit au cœur de l'homme, il n'y aurait jamais eu qu'une religion sur la terre. ont eu l’idée; aurait;
Ne confondons point le cérémonial de la religion avec la religion. Le culte que Dieu demande est celui du cœur.
Nous avons trois principales religions en Europe. Dans les trois révélations, ¨ les livres sacres sont écrits en des langues inconnues aux peuples qui les suivent. Je ne concevrai¨ jamais que ce que tout homme est obligé de savoir soit enfermé dans des livres, et que celui qui n'est à portée¨ de ces livres, ni des gens qui les entendent, soit puni d'une ignorance involontaire. Toujours des livres! Quelle manie! Je n'ai jamais pu croire que Dieu m’ordonnât, sous peine¨ de l'enfer, d’être savant.J'ai donc refermé tous les livres. Il en est un seul ouvert à tous les yeux, c'est celui de la nature. C'est dans ce grand et sublime livre que j'apprends à servir et adorer son divin auteur. Je sers Dieu dans la simplicité de mon cœur. Je ne cherche à savoir que ce qui importe¨ à ma conduite. Quand aux¨ dogmes qui n'influent ni sur les actions, ni sur la morale, et dont tant de gens se tourmentent, ¨ je ne m'en mets nullement en peine.¨ religions; comprendrai; ne comprend; punition; est important; en ce qui concerne les..; troublent; problèmes;
Je regarde toutes les religions particulières comme autant d'institutions salutaires¨ qui prescrivent dans chaque pays une manière uniforme d'honorer Dieu par un culte public, et qui peuvent toutes avoir leurs raisons dans le climat, dans le gouvernement, dans le génie¨ du peuple. Je les crois toutes bonnes quand on y sert Dieu convenablement.¨ Le culte essentiel est celui du cœur. profitables; esprit; correctement;
Quand on aime, on veut être aimé. Émile aime les hommes, il veut donc leur plaire. À plus forte raison il veut plaire aux femmes; son âge, ses mœurs, son projet, tout concourt¨ à nourrir en lui ce désir. Nous cherchons Sophie. Enfin le moment presse. contribue;
Il n'est pas bon que l'homme soit seul, Émile est homme, nous lui avons promis une compagne, il faut la lui donner. Cette compagne est Sophie.
Sophie doit être femme comme Émile est homme, c'est-à-dire avoir tout ce qui convient¨ à la constitution de son espèce¨ et de son sexe pour remplir sa place dans l'ordre physique et moral. est bien; race;
En tout ce qui tient¨ au sexe, la femme et l'homme ont partout des rapports¨ et partout des différences; tout ce qu'ils ont de commun¨ est de l'espèce¨ et tout ce qu'ils ont de différent est du sexe. En ce qu'ils ont de commun ils sont égaux; en ce qu'ils ont de différent ils ne sont pas comparables. se rapporte; relations; collectivement; race humaine;
Dans l'union des sexes chacun concourt¨ également¨ à l'objet commun, mais non pas de la même manière. De cette diversité naît la première différence assignable¨ entre les rapports moraux de l'un et de l'autre. L'un doit être actif et fort, l'autre passif et faible. Ce principe contribue; de la même façon; évidente;
établi, ¨ il s'ensuit que la femme est faite spécialement pour plaire à l'homme. quand on accepte ce principe;
Sophie est bien née, elle est d'un bon naturel; elle a le cœur très sensible. Sophie n'est pas belle; mais auprès d'elle les hommes oublient les belles femmes. Sans éblouir, ¨ elle intéresse. Sophie aime la parure¨ et s'y connaît. Sophie a des talents naturels. Ce que Sophie sait le mieux, et qu'on lui a fait apprendre avec le plus de soin, ce sont les travaux de son sexe, comme de coudre ses robes; elle s'est appliquée¨ à tous les détails du ménage; elle entend la cuisine et l'office. fasciner; ornements; a donné son énergie;
Sophie a de la religion, mais une religion raisonnable et simple, peu de dogmes et moins de pratiques de dévotion; ou plutôt ne connaissant de pratique essentielle que la morale, elle dévoue sa vie entière à servir Dieu en faisant le bien.
Plusieurs partis¨ s’étaient présentés, elle les avait tous rebutés.¨ Qu'attendait-elle donc? que voulait-elle? prétendants; refusés;
Elle cherchait un homme et ne trouvait que des singes.
Rendons à notre Émile sa Sophie.