11. Molière

(Jean Baptiste POQUELIN)

11.1. Les précieuses ridicules (1659)

Personnages:
LG LA GRANGE, et
DC DU CROISY amants rebutés¨ refusés;
GO GORGIBUS, bon bourgeois
MA MADELON fille de Gorgibus, et
CA CATHOS, nièce de Gorgibus, précieuses ridicules
MA MAROTTE, servante des précieuses
AL ALMANZOR, laquais des précieuses
MS MASCARILLE, valet de La Grange
JO JODELET, valet de du Croisy

 
DC Seigneur La Grange.
LG Quoi?
DC Regardez-moi un peu sans rire.
LG Hé bien?
DC Que dites-vous de notre visite? En êtes-vous fort¨ satisfait¨ ? très; content;
LG À votre avis¨ avons-nous sujet¨ de l'être tous les deux? opinion; motif;
DC Pas tout à fait, à dire vrai.
LG Pour moi, je vous avoue¨ que j'en suis tout scandalisé.¨ A-t-on jamais vu, dites-moi, deux pecques¨ provinciales faire plus les renchéries¨ que celles-là, et deux hommes traités avec plus de mépris¨ que nous? reconnais; irrité; femme sotte; exagérées; irrespect;
DC Il me semble que vous prenez la chose fort¨ au cœur. très;
LG Sans doute, je l'y prends, et de telle façon, que je me veux venger de cette impertinence.¨ manque de respect;
DC Et comment?
LG J'ai un valet¨ nommé Mascarille, qui passe au nom de beaucoup de gens, ¨ pour une manière de bel esprit. serviteur; a la réputation;
DC Hé bien qu'en¨ prétendez~vous¨ faire? de lui; voulez-vous;
LG Ce que j'en prétends faire? Il faut... Mais sortons d'ici auparavant.¨ d'abord;

 
GO Hé bien! Vous avez vu ma nièce et ma fille? Les affaires iront-elles bien? Quel est le résultat de cette visite?
LG C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous. Tout ce que nous pouvons vous dire c'est que nous vous rendons grâce¨ de la faveur¨ que vous nous avez faite, et demeurons vos très-humbles serviteurs. remercions; service;
DC Vos très-humbles serviteurs.
GO (seul) Ouais! il semble qu'ils sortent mal satisfaits¨ d'ici. D'où pourrait venir¨ leur mécontentement? Il faut savoir un peu ce que c'est. Holà! mécontents; quelle pourrait être la cause de;
MR (elle entre) Que désirez-vous, monsieur?
GO Ou sont vos maîtresses?
MR Dans leur cabinet.
GO Que font-elles?
MR De la pommade pour les lèvres.
GO C'est trop pommadé; dites-leur qu'elles descendent.
(seul)Ces pendardes¨ la, avec leur pommade, ont, je pense, envie¨ de me ruiner. méchantes; le besoin;
(aux filles, qui entrent) Il est bien nécessaire, vraiment de faire tant de dépense¨ pour vous graisser le museau¨ ! Dites-moi un peu ce tant d'argent; visage;
que vous avez fait à ces messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur?Vous avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulais vous donner pour maris?
MA Et quelle estime¨ mon père, voulez~vous que nous fassions du procédé¨ irrégulier¨ de ces gens-là? respect; manières; peu raisonnable;
CA Le moyen mon oncle, qu'une fille un peu normale pût s’accommoder de leur personne?
GO Et qu'y trouvez-vous à redire¨ ? critiquer;
MA La belle galanterie que la leur! Quoi! débuter¨ d'abord par le mariage? commencer;
GO Et par où¨ veux-tu qu'ils débutent? par le concubinage? N'est-ce pas un procédé¨ dont vous avez sujet¨ de vous louer¨ toutes deux aussi bien que moi? par quoi; manière de faire; raison; féliciter;
MA Ah! mon père, ce que vous dites là est du dernier¨ bourgeoisl! Cela me fait honte¨ de vous ouïr¨ parler de la sorte¨ et vous devriez un peu vous faire apprendre le bel air¨ des choses. très; choque; entendre; ainsi; aspect;
GO Je n'ai que faire¨ ni d'air, ni de chanson. Je te dis que le mariage est une chose sainte et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens, que de débuter par là. je ne m’intéresse pas;
MA Mon Dieu! que si tout le monde vous ressemblait, ¨ roman serait bientôt fini! La belle chose que ce serait, si d'abord Cyprus épousait Mandane, et qu'Aronce de plein pied¨ fut marié à Clélie!(1) était comme vous; immédiatement;
GO Que me vient conter celle-ci?
MA Mon père, voila ma cousine qui vous dira aussi bien que moi, que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures. Il faut qu'un amant, pour être agréable, sache débiter¨ les beaux sentiments, pousser¨ le doux, le tendre, et le passionné, et que sa recherche¨ soit dans les formes. exprimer, dire; produire; =r. de l'amour;
GO Quel diable de jargon¨ entends-je ici? Voici bien du haut style. langue spéciale;
CA GO En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose.¨ Le moyen de bien¨ recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus¨ en galanterie!Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de Tendre, et que Billets-doux, Petits-soins, Billets-galants et Jolis-vers, sont des terres inconnues pour eux.(2) Je pense qu'elles sont folles toutes les deux, et je ne puis rien comprendre a ce baragouin¨ Cathos, et vous, Madelon... a raison; comment peut-on; ignorants; jargon;
MA Hé! de grâce¨ mon père, défaites vous de¨ ces noms étranges, et appelez-nous autrement. s.v.p.; n'employez plus;
GO Comment, ces noms étranges? Ne sont-ce pas vos noms de baptême?¨ premier sacrement;
MA Mon Dieu! que vous êtes vulgaire! Pour moi, un de mes étonnement, c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on jamais parlé dans le beau style de Cathos ni de Madelon, et ne m'avouerez¨ pas que ce serait assez d'un de ces noms pour décrier¨ le plus beau roman du monde? serez-vous pas d accord; rabaisser;
CA Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit¨ furieusement à entendre prononcer ces mots là; et le nom de Polyxène que ma cousine a choisi, et Celui d'Aminte que je me suis donné, ont une grâce¨ dont il faut que vous demeuriez¨ d'accord. a beaucoup mal; charme; restiez;
GO Écoutez: il n'y a qu'un mot qui serve.¨ Je n'entends¨ point que vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et marraines;¨ et pour ces messieurs dont il est question, je connais leurs familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous disposiez¨ à les recevoir pour maris. Et enfant, pour trancher¨ toutes sortes de discours, ou vous serez mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi! vous serez religieuses; j'en fais un bon serment.¨ soit utile; veux; (ceux qui donnent le nom à un enfant; prépariez; mettre fin à; je le promets;
(Il sort)
CA Mon Dieu! ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière¨ ! que son intelligence est épaisse!¨ et qu'il fait sombre dans son âme! est matérialiste; peu;
MA Que veux-tu? j'en suis en confusion¨ pour lui. J'ai peine¨ à me persuader¨ que je puisse être véritablement¨ sa fille, et je crois que quelque aventure, un jour, viendra développer une naissance plus illustre.¨ troublée; des difficultés; me faire croire; vraiment; origine célèbre;
CA Je le croirais bien; oui, il y a toutes les apparences¨ et, pour moi, quand je me regarde ... air;
MR Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis¨ et dit que son maître veut venir vous voir.¨ à la maison; rendre visite;
MA Apprenez, sotte, à vous énoncer¨ moins vulgairement. Dites: Voilà un nécessaire qui demande si vous êtes en commodité¨ d'être visibles.¨ exprimer; état; recevoir;
MR Dame;¨ je n'entends point le latin, et je n'ai pas appris, comme vous, la filofie dans le grand Cyrus.¨ vraiment; (roman);
MA L'impertinente! Le moyen¨ de souffrir cela! Et qui est-il, le maître de ce laquais? comment peut on;
MR Il me l'a nommé le marquis de Mascarille.
MA Ah! ma chère! un marquis! Oui, allez dire qu'on nous peut voir. C'est sans doute un bel esprit qui aura ouï¨ parler de nous. entendu;
CA Assurément, ma chère.
MA Il faut le recevoir dans cette salle basse. Vite, venez nous tendre¨ ici dedans le conseiller des grâces. présenter;
MR Par ma foi!¨ je ne sais point quelle bête c'est là; il faut parler chrétien, si vous voulez que je vous entende. vraiment;
CA Apportez-nous le miroir, ignorante¨ que vous êtes, et gardez-vous bien d'¨ en salir la glace par la communication de votre image. stupide; faites tout pour ne pas;
MS (après avoir salue) Mesdames, vous serez surprises, sans doute, de l'audace¨ de ma visite, mais votre réputation vous attire cette méchante affaire, et le mérite a pour moi des charmes si puissant¨ que je valeur cours partout après lui. arrogance; forts;
MA Si vous poursuivez¨ le mérite, ce n'est pas sur nos terres que vous devez chasser. courez après;
CA Pour voir chez nous le mérite, il a fallu que vous l'y ayez amené.
MA Holà! Almanzor.
AL Madame.
MA Vite, voiturez-¨ nous les commodités¨ de la conversation. apportez; fauteuils;
MS Mais, au moins, y a-t-il sûreté ici pour moi?
CA Que craignez-vous?¨ de quoi avez-vous peur;
MS Quelque vol de mon cœur, quelque assassinat¨ de ma franchise.¨ Je vois ici des yeux qui ont la mine¨ d'être de fort¨ mauvais garçons, de faire insulte¨ aux libertés. meurtre; liberté; air; très; attaque;
MA Ma chère, c'est le caractère enjoué¨ gai, amusant;
CA Je vois bien que c'est un Amilcar.¨ (personnage de roman);
MA Ne craignez rien; nos yeux n'ont point de mauvais desseins¨ et votre cœur peut dormir en assurance sur leur prud'homie.¨ intentions; loyauté;
CA Mais de grâce, ¨ monsieur, ne soyez pas inexorable¨ à ce fauteuil qui vous tend¨ les bras il y a¨ un quart d'heure; contentez un peu l'envie¨ qu'il a de vous embrasser. s.v.p.; dur; présente; depuis; désir;
MS (après s'être peigné et avoir ajusté¨ ses canons¨ )-Hé bien! mesdames, que dites-vous de Paris? arrangé; ornements;
MA Hélas! qu'en pourrions-nous dire ?Il faudrait être l'antipode¨ de la raison, pour ne pas confesser¨ que Paris est le grand bureau des merveilles, le centre du bon goût, du bel esprit et de la galanterie. contraire; reconnaître;
MS Pour moi, je tiens¨ que hors Paris, il n'y a point de salut¨ pour les honnêtes gens. crois; bonheur;
CA C'est une vérité incontestable¨ certaine;
MS Vous recevez beaucoup de visites? Quel bel esprit est des vôtres¨ vient chez vous;
MA Hélas! nous ne sommes pas encore connues.
MS Ne vous mettez pas en peine.¨ Je veux établir¨ chez vous une académie de beaux esprits, et je vous promets qu'il ne se fera pas un bout de vers dans Paris, que vous ne sachiez par cœur avant tous les autres. Pour moi, tel que¨ vous me voyez, je m'en escrime¨ un peu quand je veux; et vous verrez courir¨ de ma façon¨ deux cents chansons, autant de sonnets, quatre cents épigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter les énigmes et les portraits. ne vous faites pas de problèmes; installer; comme; pratique; circuler; main;
MA Je vous avoue¨ que je suis furieusement¨ pour les portraits; je ne vois rien de si galant que cela. reconnais; énormément;
MS Les portraits sont difficiles, et demandent un esprit profond; vous en verrez de ma manière¨ qui ne vous déplairont pas. Mais à propos, il faut que je vous dise un impromptu¨ que je fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus¨ visiter; car je suis diablement fort sur les impromptus. main; poésie improvisée; étais allé;
CA L'impromptu est justement la pierre de touche¨ de l'esprit ce qui fait la valeur;
MS Écoutez donc
MA Nous y sommes de toutes nos oreilles.
MS Oh! Oh! je n'y prenais pas garde:¨ faisais pas attention;
Tandis que, sans songer¨ à mal, je vous regarde, penser;
Votre œil en tapinois¨ me dérobe mon cœur en cachette;
Au voleur! au voleur! au voleur! au voleur!
CA Ah! mon Dieu! voilà qui est poussé dans le dernier¨ galant. très;
MS Tous ce que je fais a l'air¨ cavalier;cela ne sent point le pédant. aspect;
MA Il en est éloigne¨ de plus de deux mille lieues à une distance;
MS Avez-vous remarqué¨ ce commencement? "Oh!oh!" voilà qui est extraordinaire; "oh! oh!" comme un homme qui s'avise¨ tout d'un coup, "oh!oh!", la surprise, "oh! oh!" signalé; comprend;
MA Oui, je trouve ce "oh! oh!" admirable.¨ excellent;
MS Il semble que cela ne soit rien.
CA Ah! mon Dieu! que dites-vous? Ce sont la de ces sortes de choses qui ne se peuvent payer.
MA Sans doute; et j'aimerais mieux avoir fait ce "oh! oh!" qu'un poème épique.
MS Tudieu! vous avez le goût bon.
MA Hé! je ne l'ai pas tout a fait mauvais.
MS Mais n'admirez-vous pas aussi "je n'y prenais pas garde"? "Je n'y prenais pas garde", j e ne m'apercevais¨ pas de cela; façon de parler naturelle, "je n'y prenais pas garde". "Tandis que, sans songer a mal", tandis qu'innocemment, sans malice¨ comme un pauvre mouton, "je vous regarde", c'est à dire, je m'amuse à vous considérer, je vous observe, je vous contemple; "votre œil en tapinois"... Que vous semble¨ de ce mot "tapinois"? N'est-il pas bien choisi? voyais; méchanceté; pensez-vous;
CA Tout à fait bien.
MS "Tapinois", en cachette; il semble que ce soit un chat qui vienne prendre une souris, "Tapinois".
MA Il ne se peut¨ rien de mieux. il n'y a;
MS "Me dérobe mon cœur", me l'emporte, me le ravit.
"Au voleur! au voleur! au voleur! au voleur" Ne diriez-vous pas que c'est un homme qui crie et court après un voleur pour le faire arrêter? "Au voleur! au voleur! au voleur! au voleur!"
MA Il faut avouer¨ que cela a un tour¨ spirituel et galant. reconnaître; aspect;
MS Tout ce que je fais me vient naturellement, ¨ c'est sans étude. par la nature;
MA La nature vous a traité en¨ vraie mère passionnée, et vous en êtes l'enfant gâté.¨ comme une; préféré;
MS A quoi donc passez-vous le temps?
CA A rien du tout.
MA Nous avons été jusqu'ici¨ dans un jeûne¨ effroyable¨ de divertissements?¨ maintenant; manque; très grand; amusements;
MS Je m'offre à vous mener l'un de ces jours à la comédie, si vos voulez; aussi bien¨ on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise¨ que nous voyions ensemble. Entre nous, j'en ai composé une que je veux faire représenter.¨ surtout parce que; content; jouer;
CA Héla! quels comédiens la donnerez-vous?
MS Belle demande! Aux grands comédiens; il n'y a qu'eux qui soient capables de faire valoir¨ les choses; les autres sont des ignorants qui récitent comme l'on parle; ils ne savent pas ronfler¨ les vers, et s'arrêter au bel endroit¨ et le moyen de¨ connaître où est le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit¨ par la qu'il faut faire le brouhaha?¨ donner de la valeur; donner de la sonorité aux; place; comment; fait savoir; bruit;
CA En effet, il y a manière de faire sentir aux auditeurs les beautés d'un ouvrage; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir.
MR Madame, on demande à vous voir
MA Qui?
MR Le vicomte de Jodelet.
MS Le vicomte de Jodelet?
MR Oui, monsieur.
CA Le connaissez-vous?
MS C'est mon meilleur ami.
MA Faites entrer vitement.
MS Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vu, et je suis ravi¨ de cette aventure.¨ heureux; événement;
CA Le voici,
MS Ah! vicomte!
JO (s'embrassant l'un l'autre)-Ah! marquis!
MS Que je suis aise¨ de te rencontrer! heureux;
JO Que j'ai de joie¨ de te voir ici! plaisir;
MS Baise-¨ moi encore un peu, je te prie!¨ embrasse; s’il te plaît;
MA (à Cathos) Ma toute bonne, nous commençons d'être connues; voilà le beau monde qui prend le chemin de nous venir voir¨ rendre visite;
MS Mesdames, agréez¨ que je vous présente ce gentilhomme-ci:sur ma parole, il est digne¨ d’être connu de vous. Savez-vous, mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des vaillants¨ hommes du siècle? C'est un brave à trois poils¨ permettez; assez noble; courageux; très courageux;
JO Vous ne m'en devez rien, ¨ marquis;et nous savons ce que vous savez faire aussi. vous êtes courageux aussi;
MS Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion.
JO Et dans des lieux¨ ou il faisait fort¨ chaud. places; très;
MS (regardant Cathos et Madélon)-Oui; mais non pas si chaud qu'ici. Ha, ha, ha!
JO Notre connaissance s'est faite à l’armée;et la première fois que nous nous vîmes, il commandait un régiment de cavalerie sur les galères de Malte.
MS Il est vrai;mais vous étiez pourtant dans l'emploi¨ avant que j'y fusse; et je me souviens que je n’étais que petit officier encore, que vous commandiez deux mille chevaux. Te souvient-il¨ vicomte de cette demi-lune¨ que nous emportâmes¨ sur les ennemis au siège¨ d'Arras? dans l’armée; rappelles-tu; ce fort; gagnâmes; attaque;
JO Que veux-tu dire avec ta demi-lune. C’était bien une lune tout entière.
MS Je pense que tu as raison.
JO Il m'en doit bien souvenir, ma foi¨ ! J'y fus blessé la la jambe d'un coup de grenade¨ dont je porte encore les marques!¨ Tâtez¨ un peu, de grâce¨ vous sentirez quel coup c’était là. vraiment; projectile; signes; mettez les doigt sur; s.v.p.;
CA (après avoir touché l'endroit)-Il est vrai que la cicatrice¨ est grande. marque d'une blessure;
MS Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci; là justement derrière la tête. Y êtes-vous?
MA Oui, je sens quelque chose.
MS C'est un coup de mousquet¨ que je reçus la dernière campagne que j'ai faite. carabine;
JO (découvrant¨ sa poitrine)-Voici un autre coup qui me perça¨ de part en part"a l'attaque de Gravelines. déshabillant; perfora;
MS (mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses¨ )-Je vais vous montrer une furieuse plaie.¨ culotte; blessure;
MA Il n'est pas nécessaire; nous le croyons sans y regarder.
MS Ce sont des marques honorables qui font voir ce qu'on est.
CA Nous ne doutons pas de ce que vous êtes.
MS Vicomte, as-tu là ton carrosse?
JO Pourquoi?
MS Nous mènerions promener¨ ces dames hors des portes, ¨ et leur donnerions un cadeau¨ en excursion; (de Paris); ici: repas;
MA Nous ne saurions sortir aujourd'hui.
MS Ayons donc les violons pour danser.
JO Ma foi! c'est bien avisé¨ une bonne idée;
MA Pour cela, nous y consentons¨ mais il faut donc quel-que surcroît¨ de compagnie. sommes d'accord; supplément;
MS Holà! Champagne, Picard, Bourguignon, Sacsaret, Basque, La Verdure, Lorrain, Provençal, La Violette! Au diable soient tous les laquais! Je ne pense pas qu'il y ait gentilhomme plus mal servi que moi. Ces canailles me laissent toujours seul.
MA Almanzor, dites aux gens¨ de monsieur qu'ils aillent quérir¨ des violons, et nous faites venir ces messieurs et ces dames d'ici près¨ pour peupler¨ la solitude¨ de notre bal. (Almanzor sort) serviteurs; chercher; des voisins; remplir; manque de compagnie;
MS Vicomte, dis-moi un peu, y a-t-il longtemps que tu-n'as vu la comtesse?
JO Il y a plus de trois semaines que je ne lui ai rendu visite.
MS Sais-tu bien que le duc m'est venu voir ce matin et m'a voulu mener à la campagne courir¨ un cerf avec lui? faire la chasse d';
MA Voici nos amies qui viennent. Mon Dieu, mes chères, nous vous demandons pardon. Ces messieurs ont eu fantaisie de nous donner les âmes des pieds¨ et nous vous avons envoyé quérir¨ pour remplir les vides de notre assemblée¨ faire danser; chercher; réunion;
LU (Lucille, une des amies)Vous nous avez obligées¨ sans doute. fait plaisir;
MS Ce n'est ici qu'un bal à la hâte¨ mais l'un de ces jours nous vous en donnerons un dans les formes. organisé un peu vite;
Les violons sont-ils venus?
AL Oui, monsieur; ils sont ici.
CA Allons donc, mes chères, prenez place.
MS (dansant lui seul, comme par prélude)-La, la, la, la.
MA Il a tout à fait la taille élégante.
CA Et la mine de danser proprement.
MS (ayant pris Madélon pour danser)-Ma franchise¨ va danser la courante¨ aussi bien que mes pieds. En cadence, violons, en cadence. Oh! quels ignorants! Il n'y a pas moyen¨ de danser avec eux. Le diable vous emporte! ne sauriez-vous jouer en mesure¨ ? Là, la, la, la, la la la la la; ferme,¨ ô violons de village. liberté; (danse); il est impossible; cadence; finis;
JO Hola, ne pressez¨ pas si fort la cadence! je ne fais que sortir de maladie. rendez pas trop rapide;
LG (un bâton à la main)-Ah, ah! Coquins!¨ que faites-vous ici? Il y a trois heures que nous vous cherchons. méchants;
MS (se sentant battre)-Ahi!ahi! vous ne m'aviez pas dit que les coups en seraient aussi!¨ y seraient compris;
JO Ahi! ahi! ahi!
LG C'est bien à vous, infâme¨ que vous êtes, à vouloir faire¨ l'homme d'importance. méchant; jouer;
DC Voilà qui¨ vous apprendra à connaître.¨ ce qui; fera une leçon;
MA Que veut donc dire ceci? Quelle est donc cette audace¨ de venir nous troubler de la sorte¨ dans notre maison. arrogance; ainsi;
DC Comment! mesdames, nous endurerons¨ que nos laquais soient mieux reçus que nous; qu'ils viennent vous faire l'amour¨ à nos dépens¨ et vous donnent le bal? tolérerons; a cour; pour notre argent;
MA Vos laquais?
LG Oui, nos laquais; et cela n'est ni beau, ni honnête de nous les débaucher¨ comme vous faites. faire faire des excès;
MA O ciel! quelle insolence.¨ impertinence;
LG Mais ils n'auront pas l'avantage¨ de se servir de nos habits pour vous donner dans la vue;¨ et si vous les voulez aimer, ce sera, ma foi! pour leurs beaux yeux. (à ses serviteurs) Vite, qu'on les dépouille¨ sur le champ!¨ profit; plaire; déshabille; immédiatement;
JO Adieu notre braverie.¨ bravoure;
MS Voilà le marquisat et la vicomté à bas.¨ ruinés;
CA Ah!quelle confusion¨ ! gène, trouble;
MA Je crève¨ de dépit!¨ meurs; désillusion;
GO Ah! coquines¨ que vous êtes, vous nous mettez dans de beaux draps blancs¨ à ce que je vois; et je viens d'apprendre¨ de belles affaires, vraiment de ces messieurs qui sortent. méchantes; mauvaise situation; être informé;
MA Ah! mon père, c'est une pièce sanglante¨ qu'ils nous ont faite! choquante;
GO Oui, c'est une pièce sanglante, mais qui est un effet¨ de votre impertinence, infâmes! Ils se sont ressenti¨ du traitement que vous leur avez fait;et cependant, ¨ malheureux que je suis, il faut que je boive l'affront¨ résultat; ont été irrité; pendant cela; supporter;l' offense;
VIOLONISTE Monsieur, nous entendons¨ que vous nous contentiez¨ à leur défaut¨ pour ce que nous avons joué ici voulons; payiez; parce qu'ils ne le font pas;
GO (les battant)-Oui, oui, je vous vais contenter, et voici la monnaie¨ dont je vous veux payer. argent;
Et vous, pendardes¨ je ne sais qui me tient que je vous fasse autant;¨ nous allons servir de fable¨ et de risée de tout le monde; et voilà ce que vous vous êtes attiré par vos extravagances¨ Allez vous cacher, vilaines¨ allez vous cacher pour jamais!¨ méchantes; la même chose; être ridiculisés; absurdités; méchantes; toujours;
(Seul)
Et vous, qui êtes cause de leur folie,¨ sottes billevesées, ¨ pernicieux¨ amusements des esprits oisifs¨ romans, vers, chansons, sonnet et sonnettes, puissiez-vous être a tous les diables! sottise; non-sens; dangereux; inactifs;
Carte_du_tendre.png

11.2. L’école des femmes

Personnages:
AR ARNOLPHE, autrement M. DE LA SOUCHE,
AG AGNES, jeune fille innocente, élevée¨ par Arnolphe éduquée;
HO HORACE, amant d'Agnès
AL ALAIN, paysan, valet¨ d'Arnolphe serviteur;
GE GEORGETTE, paysanne, servante d'Arnolphe
CH CHRYSALDE, ami d'Arnolphe
EN ENRIQUE, beau-frère de Ghrysalde
OR ORONTE, père d'Horace, et grand ami d'Arnolphe

 
ACTE I
CH Voulez-vous qu'en ami je vous ouvre mon cœur?
Votre dessein¨ pour vous, me fait trembler de peur intention;
Et-de quelque façon que vous tourniez¨ l'affaire présentiez;
Prendre femme¨ est à vous un coup bien téméraire¨ vous marier; imprudent;
Et...
AR Mon Dieu! notre ami, ne vous tourmentez¨ point inquiétez;
Bien huppé¨ qui pourra m'attraper¨ sur ce point. habile; duper;
Je sais les tours rusés¨ et les subtiles trames¨ habiletés; intrigues;
Dont, pour nous en planter¨ savent user¨ les femmes duper; employer;
Et comme on est dupé par leurs dextérités.¨ habiletés;
Contre cet accident j'ai pris mes sûretés:
Et celle que j’épouse a toute innocence
Qui peut sauver mon front¨ de maligne¨ influence. ma personne; mauvaise;
Dans un petit couvent¨ loin de toute pratique pensionnat;
Je la fis élever selon ma politique;
C'est à dire, ordonnant quel soins¨ on emploîrait attention;
Pour la rendre¨ idiote autant qu'il se pourrait. faire;
Je l'ai donc après retirée; et, comme ma demeure¨ maison;
A cent sortes de monde¨ est ouverte à toute heure, gens;
Je l'ai mise à l'écart¨ comme il faut tout prévoir, loin du monde;
Dans cette autre maison où nul¨ ne me vient voir. personne;
Le résultat de tout est, qu'en ami fidèle,
Ce soir je vous invite a souper avec elle;
Je veux que vous puissiez un peu l'examiner¨ observer;
Et voir si ge mon choix on me doit condamner¨ critiquer;
CH J'y consens. ¨ suis d'accord;
AR J'y consens. ¨ Vous pourrez, dans cette conférence¨ conversation;
Juger¨ de sa personne et de son innocence. vous faire une idée de;
L'autre jour (pourrait-on se le persuader)¨ croire;
Elle était fort¨ en peine¨ et me vint demander, très; troublée;
Avec une innocence a nulle autre pareille¨ égale;
Si les enfants qu'on fait se faisaient par l'oreille.
CH Je me réjouis fort seigneur Arnolphe...
AR Je me réjouis fort seigneur Arnolphe... Bon!
Me voulez-vous toujours appeler de ce nom?
CH Ah! malgré que j'en aie,¨ il me vient à la bouche, mes efforts;
Et jamais je ne songe¨ à monsieur de La Souche. pense;
AR Adieu. Je frappe ici, pour donner¨ le bonjour, dire;
Et dire seulement que je suis de retour. (Il frappe)
(Chrysalde s'en va. Horace arrive)
AR Je me trompe! Nenni.¨ Si fait. Non, c'est lui-même, non;
Hor...
HO Hor... Seigneur Ar...
AR Hor... Seigneur Ar... Horace.
HO Hor... Seigneur Ar... Horace. Arnolphe.
AR Hor... Seigneur Ar... Horace. Arnolphe. Ah! Joie¨ extrême!¨ plaisir; très grand;
Et depuis quand ici?
HQ Et depuis quand ici? Depuis neuf jours.
AR Et depuis quand ici? Depuis neuf jours. Vraiment?
HO Je fus d'abord chez vous, mais inutilement.¨ sans résultat;
AR J’étais a la campagne.
HQ J’étais a la campagne. Oui, depuis dix journées.
AR Oh! comme les enfants croissent¨ en peu d’années! grandissent;
HO Vous voyez.
AR Vous voyez. Mais, de grâce,¨ Oronte, votre pere s.v.p.;
Mon bon et cher ami que j'estime et révère,¨ respecte;
Que fait-il? que dit-il? Est-il toujours gaillard?¨ joyeux;
HO Il est, seigneur Arnolphe, encore plus gai¨ que nous. joyeux;
Et j'avais de sa part une lettre pour vous.
AR (après avoir lu la lettre)
Sans qu'il prît le souci¨ de m'en écrire rien;¨ la peine; quelque chose;
Vous pouvez librement disposer de mon bien.
HO Je suis homme à saisir¨ les gens par leurs paroles, prendre;
Et j'ai présentement besoin de cent pistoles¨ (monnaie);
AR Ma foi, c'est m'obliger¨ que d'en¨ user¨ faire plaisir; ainsi; agir;
Et je me réjouis¨ de les avoir ici. suis heureux;
Gardez aussi la bourse.
HQ Gardez aussi la bourse. Il faut...
AR Gardez aussi la bourse. Il faut... Laissons ce style.
Hé bien, comment encore trouvez-vous cette ville?
HO A ne vous rien cacher de la vérité pure,
J'ai d'amour en ces lieu¨ eu certaine aventure. ici;
A Et c'est?
HO (lui montrant le logis d’Agnès devant lequel ils se trouvent)
Et c'est? Un jeune objet¨ qui loge en ce logis personne;
Dont vous voyez d'ici que les murs sont rougis;
C'est Agnès qu'on l'appelle.
AR C'est Agnès qu'on l'appelle. Ah!je crève¨ meurs;
HO C'est Agnès qu'on l'appelle. Ah!je crève¨ Pour l'homme,
C'est, je crois, de la Lousse, ou Source, qu'on le nomme;
Et l'on m'en a parlé comme d'un ridicule.
Le connaissez-vous point?
AR Le connaissez-vous point? La fâcheuse pilule!¨ chose désagréable;
HO Hé! vous ne dites mot?
AR Hé! vous ne dites mot? Hé oui, je le connais.
HO C'est-un fou, n'est-ce pas? Hé... Qu'en dites-vous? Quoi?
Vous me semblez chagrin! Serait-ce qu'en effet
Vous désapprouveriez¨ le dessein¨ que j'ai fait? ne seriez pas d'accord avec; plan;
AR Non, c'est que je songeais¨ pensais;
HO Non, c'est que je songeais¨ Cet entretien¨ vous lasse¨ conversation; fatigue;
Adieu. J'irai chez vous tantôt vous rendre grâce.¨ remercier;
AR (seul)Oh! oh! que j'ai souffert¨ durant cet entretien! eu mal;
Jamais trouble d'esprit ne fut égal au mien.
Mais, ayant souffert, je devais me contraindre¨ maîtriser;
Jusques à m’éclairer¨ de ce que je dois craindre, pour savoir;
A pousser¨ jusqu'au bout son caquet¨ indiscret, faire aller; conversation;
Et savoir pleinement leur commerce¨ secret, relation;

 
ACTE II
AR Venez Agnès
Venez Agnès Rentrez.¨ (à Alain et Georgette);
Venez Agnès Rentrez.¨ La-promenade est belle.¨ (à Agnès);
AG Fort¨ belle. très;
AR Fort¨ belle. Le beau jour.
AG Fort¨ belle. Le beau jour. Fort beau.
AR Fort¨ belle. Le beau jour. Fort beau. Quelle nouvelle?
AG Le petit chat est mort.
AR Le petit chat est mort. C'est dommage; mais quoi!
Nous sommes tous mortels et chacun est pour soi.
(après avoir un peu rêvé)¨ ici: médité;
Le monde, chère Agnès, est une étrange chose!
Voyez¨ la médisance¨ et comme chacun cause¨ prenez par exemple; accusations fausses; parle;
Quelques voisins m'ont dit qu'un jeune homme inconnu
Était en mon absence a la maison venu,
Que vous aviez souffert¨ sa vue et ses harangues;¨ toléré; conversations;
Mais je n'ai point pris foi sur¨ ces méchantes langues, cru à;
Et j'ai voulu gager que c’était faussement ...,
AG Mon Dieu! ne gagez pas, vous perdriez vraiment.
AR Quoi!c'est la vérité qu'un homme...?
AG Quoi!c'est la vérité qu'un homme...? Chose sûre.
Il n'a presque bougé de chez nous¨ je vous jure.¨ quitté la maison; assure;
AR (bas, à part)
Cet aveu¨ qu'elle fait avec sincérité déclaration;
Me marque pour le moins son ingénuité.¨ innocence;
(haut)
Mais il me semble, Agnès si ma mémoire est bonne,
Que J'avais défendu que vous vissiez personne.
AG Oui, mais, quand je l'ai vu, vous ignorez¨ pourquoi; ne savez pas;
Et vous auriez fait, sans doute, autant¨ que moi. la même chose;
AR Peut-être. Mais, enfin contez¨ moi cette histoire. racontez;
AG Elle est fort étonnante, et difficile à croire.
J’étais au balcon à travailler au frais¨ à l'air;
Lorsque je vis passer sous les arbres d’auprès¨ tout près;
Un Jeune homme, bien fait, qui rencontrant ma vue,¨ regard;
D'une humble¨ révérence aussitôt¨ me salue; respectueuse; immédiatement;
Moi, pour ne point manquer a la civilité,¨ respect;
Je fis la révérence aussi de mon côte.
AR Fort bien.
AG Fort bien. Le lendemain¨ étant sur notre porte jour après;
Une vieille m'aborde,¨ en parlant de la sorte:¨ s'adresse à moi; ainsi;
"Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir¨ faire du bien;
"Et dans tous vos attraits¨ longtemps vous maintenir! beautés;
"Il ne vous a pas faite une belle personne
"Afin de¨ mal user¨ les choses qu'il vous donne; pour; employer;
"Et vous devez savoir que vous avez blessé
"Un cœur qui de s'en plaindre¨ est aujourd'hui forcé. en être mécontent;
AR (à Part)
Ah! Suppôt¨ de Satan! exécrable¨ damnée. complice; abominable;
AG "Moi, j'ai blesse quelqu'un!" fis-je tout étonnée.
"Oui, dit-elle, mais blessé tout de bon
"Et c'est l'homme qu'hier vous vîtes du balcon.
"En un mot, il languit¨ , le pauvre miserable; soufre;
"Et s'il faut, poursuivit la vieille charitable
"Que votre cruauté¨ lui refuse un secours¨ méchanceté; aide;
"C'est un homme à porter en terre dans deux jours
Voilà comme¨ il me vit, et reçut guérison. comment;
Vous-même, à votre avis¨ n'ai-je pas eu raison? opinion;
Et pouvais-je, après tout, avoir la conscience¨ responsabilité;
De le laisser mourir, faute¨ d'assistance? sans;
AR Chut.¨ De votre innocence, Agnès, c'est un effet silence;
Je ne vous en dis mot. Ce qui est fait est fait.
Mais enfin, apprenez qu'accepter des cassettes,¨ cadeaux;
Et des beaux blondins¨ écouter les sornettes,¨ garçon blond; paroles;
Que se laisser par eux, à force de langueur¨ par mélancolie;
Baiser ainsi les mains et chatouiller¨ le cœur, flatter;
Est un péché¨ mortel des plus gros qu'il se fasse. faute;
AG N'est-ce plus un péché lorsque l'on se marie?
AR Non.
AG Non. Mariez-moi donc promptement, je-vous prie.¨ s.v.p.;
AR Si vous le souhaitez,¨ je le souhaite aussi. désirez;
Et pour vous marier on me revoit ici.
AG Parlez-vous tout de bon?¨ sérieusement;
AR Parlez-vous tout de bon?¨ Oui, vous le pourrez voir.
AG Nous serons mariés?
AR Nous serons mariés? Oui.
AG Nous serons mariés? Oui. Mais quand?
AR Nous serons mariés? Oui. Mais quand? Dès¨ ce soir. déjà;
AG (riant)
Dès ce soir?
AR Dès ce soir? Dès ce soir. Cela vous fait donc rire?
AG Oui.
AR Oui. Vous voir bien contente est ce que je désire.
AG Hélas! que je vous ai grande obligation,
Et qu'avec lui j'aurai de satisfaction!
AR Avec qui?
AG Avec qui? Avec...Là...
AR Avec qui? Avec...Là... Là...Là n'est pas mon compte.¨ ce que je veux;
À choisir un mari vous êtes un peu prompte.
C'est un autre, en un mot, que je vous tiens tout prêt.¨ ai préparé;
Et quant au¨ monsieur-là, je prétends¨ s'il vous plaît, pour; veux;
Qu'avec lui désormais¨ vous rompiez¨ tout commerce.¨ à l'avenir; arrêtiez; Contact;

 
ACTE III
HO Je reviens de chez vous, et le destin¨ me montre Fortune;
Qu'il n'a pas résolu¨ que je vous y rencontre. décidé;
Mais j'irai tant de fois, qu'enfin quelque moment...
AR Hé! mon Dieu! n'entrons point dans de vains¨ compliments. inutiles;
C'est un maudit¨ usage¨ et la plupart des gens mauvais; tradition;
Y perdent sottement les deux tiers de leur temps.
Mettons donc sans façon¨ Hé bien!vos amourettes? compliments;
Puis-je, seigneur Horace apprendre où vous en êtes?
HO Ma foi, depuis qu'à vous s'est découvert mon cœur,
Il est a mon amour arrivé du malheur.
AR Oh!oh! comment cela?
HO Oh!oh! comment cela? La fortune cruelle
A ramené des champs¨ le patron de la belle. de la campagne;
AR Quel malheur!
HO Et de plus¨ à mon très grand regret,¨ deuxièmement; déplaisir;
Il a su de nous deux le commerce¨ secret¨ contacts; caché;
AR D'où, diantre,¨ a-t-il si tôt appris cette aventure? par le diable;
HO Je ne sais; mais enfin c'est une chose sûre.
Je pensais aller rendre, à mon heure à peu près,
Ma petite visite a ses jeunes attraits,¨ beautés;
Lorsque, changeant pour moi de ton et de visage,
Et servante et valet¨ m'ont bouché¨ le passage serviteur; fermé;
AR Ils n'ont donc point ouvert?
HO Ils n'ont donc point ouvert? Non, Et de la fenêtre
Agnès m'a confirmé¨ le retour de ce maître, assuré;
En me chassent de là d'un ton plein de fierté¨ arrogance;
Accompagné d'un grès¨ que sa main a jeté. pierre;
AR Comment d'un grès?
HO Comment d'un grès? D'un grès de taille¨ non petite dimension;
Dont on a, par sa main régalé¨ ma visite. rendue agréable (iron.);
Cette pierre ou ce grès dont vous vous étonniez
Avec un mot de lettre est tombée à mes pieds.
Trouvez-vous pas plaisant de voir quel personnage
A joué mon jaloux dans tout ce badinage?¨ jeu amusant;
Je puis, comme j'espère, à ce franc animal,
Ce traître, ce bourreau, ce faquin, ce brutal....
AR Adieu.
HO Adieu. Comment! si vite?
AR Adieu. Comment! si vite? Il m'est dans la pensée
Venu tout maintenant une affaire pressée.

 
ACTE IV
HO Je viens de l’échapper bien belle,¨ je vous jure. me tirer du danger;
Au sortir d'avec vous, sans prévoir l'aventure,
Seule dans son balcon j'ai vu paraître Agnès,
Qui des arbres prochains¨ prenait un peu le frais¨ tout près; air frais;
Après m'avoir fait signe, elle a su faire en sorte¨ s'arranger;
Descendant au jardin, de m'en ouvrir la porte.
Mais à peine¨ tous deux dans sa chambre étions-nous, pas une minute;
Qu'elle a, sur les degrés¨ entendu son jaloux. l'escalier;
Nous n'avons point voulu, de peur du personnage,
Risquer à nous tenir¨ ensemble d'avantage¨ rester; plus longtemps;
C’était trop hasarder¨ mais je dois, cette nuit, risquer;
Dans sa chambre un peu tard m'introduire sans bruit.
En toussant par trois fois je me ferai connaître;
Et je dois, au signal, voir ouvrir la fenêtre.
Comme à mon seul ami, je veux vous bien l'apprendre¨ le dire;
L’allégresse¨ du cœur s'augmente¨ la répandre¨ joie; grandit; communiquer;
Vous prendrez part, je pense, à l'heur¨ de mes affaires. bonheur;
Adieu. Je vais songer¨ aux choses nécessaires. penser;
AR Si son cœur m'est volé par ce blondin funeste,
J'empêcherai du moins qu'on s'empare¨ du reste. je ferai qu'on lui prenne pas;
Et cette nuit, qu'on prend pour ce galant exploit¨ acte héroïque;
Ne se passera pas si doucement qu'on croit..

 
ACTE V
HO Vous? vous, seigneur Arnolphe?
AR Vous? vous, seigneur Arnolphe? Oui. Mais vous?
HO Vous? vous, seigneur Arnolphe? Oui. Mais vous? C'est Horace
Je m'en allais chez vous vous prier d'une grâce.
Je viens vous avertir¨ que tout a réussi dire;
Et même beaucoup plus que je n'eusse osé dire,
Et par un incident qui devait tout détruire.¨ ruiner;
Je ne sais point par où l'on a pu soupçonner¨ avoir une idée;
Cette assignation¨ qu'on m'avait su donner. rendez-vous;
Mais, étant sur le point d'atteindre¨ la fenêtre, arriver à;
J'ai, contre mon espoir, vu quelques gens¨ paraître, serviteurs;
Qui, sur moi brusquement levant chacun le bras,
M'ont fait manquer le pied et tomber jusqu'en bas.
Ils ont cru tout de bon¨ qu'ils m'avaient assommé¨ sérieusement; tué;
Et chacun d'eux sien est aussitôt¨ alarmé. immédiatement;
Ils se sont retires avec beaucoup d'effroi;¨ peur;
Et comme je songeais¨ à me retirer, moi, voulais;
De cette feinte¨ mort la jeune Agnès émue;¨ simulée; émotionée;
Avec empressement¨ est devers¨ moi venue. énergie; vers;
Que vous dirai-je? Enfin cette aimable personne
A suivi les conseils que son amour lui donne,
N'a plus voulu songer¨ à retourner chez soi penser;
Et de tout son destin s'est commise¨ à ma foi.¨ abandonné; parole;
Ce que Je veux de vous, sous un secret fidèle
C'est que je puisse mettre en vos mains cette belle, _
Que dans votre maison, en faveur de¨ mes feux¨ au profit de; amour;
Vous lui donniez retraite au moins un jour ou deux,
AR Je suis, n'en doutez point, tout à votre service.
HO Vous voulez bien me rendre un si charmant office¨ ? service;
(à Agnès)
Ne soyez point en peine¨ où je vais vous mener; chagrin;
C'est un logement sûr que je vous fais donner.
Vous loger avec moi, ce serait tout détruire:¨ ruiner;
Entrez dans cette porte, et laissez-vous conduire.
(Arnolphe lui prend la main sans qu'elle le reconnaisse)
AG Pourquoi me quittez-vous?
HO Pourquoi me quittez-vous? Chère Agnès, il le faut.
AG Songez donc, je vous prie,¨ à revenir bientôt. S.v.p.;
Quand vous verrai-je donc?
HO Quand vous verrai-je donc? Bientôt, assurément.
AG Que je vais m'ennuyer¨ jusques à ce moment! être chagrine;
HO (s'en allant)
Grâce au ciel, mon bonheur n'est plus en concurrence.
Et je puis maintenant dormir en assurance.
AR (caché dans son manteau, et déguisant¨ sa voix) changeant;
Venez, ce n'est pas là que je vous logerai,
Et votre gîte¨ ailleurs¨ est par moi préparé. logis; à un autre place;
Je prétends en lieu sûr mettre votre personne. autre place
(Se faisant connaître)
Me connaissez-vous?
AG Me connaissez-vous? Hai!
AR Me connaissez-vous? Hai! Mon visage, friponne,¨ méchante;
Dans cette occasion rend vos sens effrayés¨ vous rend peureuse;
Et ce galant, la nuit, vous a donc enhardie?¨ encouragée;
Ah! coquine, en venir a cette perfidie!
Malgré tous mes bienfaits former un tel dessein!¨ plan;
Petit serpent que j'ai réchauffé dans mon sein¨ contre le cœur;
AG Pourquoi me criez-vous?
AR Pourquoi me criez-vous? J'ai grand tort, en effet!
AG Je n'entends point de mal¨ dans tout ce que j'ai fait je n'avais pas de mauvaises intentions;
AR Suivre un galant n'est pas une action infâme?
AG C'est un homme qui dit qu'il me veut pour sa femme;
J'ai suivi vos leçons, et vous m'avez prêche¨ appris;
Qu'il se faut marier pour ôter¨ le péché;¨ enlever; la faute;
AR Oui, mais pour femme, moi je prétendais¨ vous prendre; voulais;
Et je vous l'avais fait, me semble¨ assez entendre. je pense;
AG Mon Dieu! ce n'est pas moi que vous devez blâmer:¨ critiquer;
Que ne vous êtes-vous, comme lui, fait aimer?
AR Hé bien! faisons la paix, va, petite traîtresse¨ perfide;
Je te pardonne tout et te rends ma tendresse;¨ amour;
Considère¨ par là l'amour que j'ai pour toi, regarde;
Et, me voyant si bon, en revanche¨ aime-moi. de ton côté;
Je suis tout prêt, cruelle, à te prouver ma flamme.¨ amour;
AG Tenez, tous vos discours¨ ne me touchent point l’âme: paroles;
Horace avec deux mots en ferait plus que vous.
AR Ah! c'est trop me braver, trop pousser mon courroux¨ fureur;
Je suivrai mon dessein,¨ bête trop indocile,¨ intention; désobéissant;
Et vous dénicherez¨ à l'instant de la ville, quitterez;
(à Alain)
Trouvez une voiture. Enfermez-vous des mieux¨ très bien;
Et surtout gardez-vous¨ de la quitter des yeux. faites attention de ne pas;
(Seul)
Peut-être que son âme, étant dépaysée,¨ loin de tout;
Pourra de cet amour être désabusée.¨ guérie;
HO Ah! je viens vous trouver, accablé¨ de douleur¨ rempli; chagrin;
Le ciel, seigneur Arnolphe, a conclu¨ mon malheur décidé;
Pour arriver ici mon père a pris le frais;¨ dépensé l'argent;
J'ai trouvé qu'il mettait pied à terre ici près.
C'est qu'il m'a marié sans m'en écrire rien,
Et qu'il vient en ces lieux¨ célébrer ce lien.¨ ici; mariage;
Mon père ayant parlé de vous rendre visite,
L'esprit plein de frayeur¨ je l'ai devancê ¨ vite. peur; suis arrivé avant lui;
De grâce, gardez-vous de lui rien découvrir¨ ne lui parlez pas;
De mon engagement qui le pourrait aigrir.¨ irriter;
Et tâchez, comme en vous il prend grande créance¨ confiance;
De le dissuader¨ de cette autre alliance.¨ détourner; engagement;
AR Oui-da.
HO Oui-da. Conseillez-lui de différer¨ un peu. retarder;
Et rendez, en ami ce service a mon feu.¨ amour;
AR Oui, je vais vous servir de la bonne façon
HO Gardez encore un coup.¨ N'ayez aucun soupçon¨ un moment; méfiance;
(Arnolphe quitte Horace pour aller embrasser Oronte qui arrive)
OR Ah! que cette embrassade est pleine de tendresse¨ ! amitié;
AR Que je sens à vous voir une grande allégresse¨ joie;
OR Je suis ici venu..
AR Je suis ici venu.. Sans m'en faire le récit,¨ me le dire;
Je sais ce qui vous mène.¨ fait venir;
OR Je sais ce qui vous mène.¨ On vous l'a déjà dit?
AR Oui.
OR Oui. Tant mieux.
AR Oui. Tant mieux. Votre fils a cet hymen¨ résiste¨ mariage; est contraire;
Et son cœur prévenu¨ n'y voit rien que de triste. opposé;
l m a même prié¨ de vous en détourner; demandé;
Et moi, tout le conseil que je vous puis donner,
C'est de ne pas souffrir¨ que ce nœud¨ se diffère,¨ tolérer; mariage; soit retardé;
Et de faire valoir l’autorité de père.
Je vous ai conseillé, malgré tout son murmure¨ protestations;
D'achever l’hyménée.
OR D'achever l’hyménée. Oui. Mais pour le conclure¨ exécuter;
Si l'on vous a dit tout, ne vous a-t-on pas dit
Que vous avez chez vous celle dont il s'agit?¨ en question;
La fille qu'autrefois,¨ de l'aimable Angelique, au passé;
Sous des liens¨ secrets¨ eut le seigneur Enrique? mariage; caché;
AR Quoi!...
CH Quoi!... D'un hymen¨ secret ma sœur eut une fille, mariage;
Dont on cacha le sort¨ à toute la famille, existence;
Et qui, sous de feints¨ noms, pour ne rien découvrir, faux;
OR Par son époux,¨ aux champs¨ fut donnée à nourrir.¨ mari; à la campagne; éduquer;
CH Et dans ce temps, le sort,¨ lui déclarant la guerre, fatalité;
L obligea¨ força) de sortir de sa natale terre.;
OR Et de retour en France, il a cherché d'abord ça
Celle à qui de sa fille il confia le sort.¨ existence;
CH Et cette_paysanne a dit avec franchise¨ ouvertement;
Qu'en vos mains à quatre ans elle l'avait remise.¨ donnée;
OR Et vous allez, enfin, la voir venir ici,
Pour rendre aux yeux de tous ce mystère éclairci.
AR (s'en allant tout transporte,¨ et ne pouvant parler) furieux;
Ouff!
OR Ouff! D'où vient qu'il s'enfuit sans rien dire?
HO Ouff! D'où vient qu'il s'enfuit sans rien dire? Ah! mon père,
Vous saurez pleinement ce surprenant mystère.
J’étais, par des doux nœuds¨ d'une ardeur¨ mutuelle¨ engagement; amour; que l'un avait pour l'autre;
Engagé de parole avec que cette belle;
Et c'est elle, en un mot, que vous venez chercher,
Et pour qui mon refus a pensé vous fâcher
EN Je n'en ai point douté d'abord que je l'ai vue.
Et mon âme depuis n'a cessé¨ d’être émue. fini;
Ah! ma fille, je cède à des transports¨ si doux. émotions;
CH J'en ferais de bon cœur¨ mon frère, autant que vous. avec plaisir;

11.3. La critique de l'école des femmes

Personnages:
UR URANIE
EL ELISE
CL CLIMÈNE
LM LE MARQUIS
DO DORANTE ou LE CHEVALIER
LY LYSIDAS, poète
GA GALOPIN, laquais

 
CL Hé! de grâce¨ ma chère, faites-moi vite donne un siège.¨ s.v.p; chaise];
UR (à Galopin) Un fauteuil promptement.
CL Ah!mon Dieu!
UR Qu'est-ce donc?
CL Je n'en puis plus¨ je suis trop énervée;
UR Qu'avez-vous?
GL Le cœur me manque.
UR Sont-ce des vapeurs¨ qui vous ont prise? malaises;
CL Non.
UR Quel est donc votre mal, et depuis quand vous a-t-il pris.
CL Il y a plus de trois heures, et je l'ai rapporté du Palais-Royal.
UR Comment?
GL Je viens de voir, pour mes péchés, cette méchante rhapsodie de "l’École des Femmes". Je suis encore en défaillance¨ du mal de cœur que cela m'a donné et je pense que je n'en reviendrai plus¨ de quinze jours. malaise; serai plus guérie;
EL Voyez un peu comme les maladies arrivent sans qu'on y songe.¨ pense;
UR Je ne sais pas de quel tempérament nous sommes ma cousine et moi, mais nous fumes avant-hier à la même pièce, et nous en revînmes toutes deux saines¨ et gaillardes¨ en bonne santé; joyeuses;
GL Quoi! vous l'avez vue?
UR Oui et écoutée d'un bout à l'autre.
CL Ah! mon Dieu! que dites-vous là? Pour moi, je vous avoue¨ que je n'ai trouvé le moindre grain de sel¨ dans tout cela." Les enfants par l'oreille" m'ont paru d'un goût¨ détestable.¨ reconnais; ici: chose spirituel; style; blâmable;
UR Pour dire ma pensée, je tiens cette comédie pour une des plus plaisantes¨ que l'auteur ait produites. amusantes;
LM Votre petit laquais, madame, a du mépris¨ pour ma personne. (contraire de respect);
EL Il aurait tort¨ sans doute. n'aurait pas raison;
LM Sur quoi en étiez-vous¨ mesdames, lorsque je vous ai de quoi parliez vous;
interrompues?
UR Sur la comédie de "l’École des Femmes".
LM Je ne fais que¨ je viens)d'en sortir.;
GL Hé bien, monsieur, comment la trouves-vous, s.v.p.?
LM Tous à fait impertinente.
CL Ah! que j'en suis ravie¨ très contente;
LM Il ne s'est jamais fait, je pense, une si méchante comédie.
UR Ah! voici Dorante que nous attendions.
DO Ne bougez pas,¨ de grâce,¨ et n'interrompez point votre discours. Vous êtes là sur une matière qui, depuis quatre jours, fait presque l'entretien¨ de toutes les maisons de Paris, et jamais on n'a rien vu de si plaisant que la diversité des jugements¨ qui se font là dessus. Car enfin, j'ai ouï¨ condamner¨ cette comédie à certaines gens par les mêmes choses que j'ai vu d'autres estimer¨ le plus. restez assises; s.v.p; conversation; opinion; entendu; critiquer; apprécier;
UR Voila monsieur le marquis gui en dit force¨ mal. beaucoup de;
LM Il est vrai, je la trouve détestable¨ morbleu! détestable, du dernier¨ dêtestab1e, ce qu'on appelle détestable. abominable; très;
DO Et moi, mon cher marquis, je trouve le jugement¨ détestable. opinion;
LM Il ne faut que voir les continuels éclats de rire que le parterre¨ y fait. Je ne veux point d'autre chose pour témoigner¨ qu'elle ne vaut rien. (ou se trouve le peuple); montrer;
DO Tu es donc, marquis, de ces messieurs du bel air, qui ne veulent pas que le parterre ait du sens commun¨ et qui seraient fâchés d'avoir ri avec lui, fût-ce de la meilleure chose du monde? de l'intelligence;
LM Te voilà donc, chevalier, le défenseur du parterre? Parbleu! je m'en réjouis¨ et je ne manquerai pas de l'avertir¨ que tu es de ses amis. Hai, hai, hai, hai, hai. en suis content; lui dire;
DO Ris tant que tu voudras. Je suis pour le bon sens¨ et je ne saurais souffrir¨ les ébullitions de cerveau¨ de nos marquis de Mascarille. le raisonnable; tolérer; fantaisies;
LY Madame, je viens un peu tard; mais il m'a fallu¨ lire ma pièce chez madame la marquise dont je vous avais parlé; et les louanges¨ qui lui¨ ont été données, m'ont retenu une heure plus que je ne croyais. j'ai dû; compliments; (=à ma pièce);
EL C'est un grand charme que les louanges pour arrêter un auteur!
UR Mais sachons un peu les sentiments¨ de monsieur Lysidas. opinion;
LY Sur quoi, madame?
UR Sur le sujet de "l’École des Femmes".
LY Ah! ah!
DO Que vous en semble?¨ Qu'en pensez-vous;
LY Molière est bien heureux, monsieur, d'avoir un protecteur¨ aussi chaud que vous. Mais enfin, pour venir au fait, il est question¨ de savoir si la pièce est bonne, et je m'offre d'y montrer partout cent défauts. défenseur; important;
UR Mais de grâce, monsieur Lysidas, faites nous voir ces défauts, dont je ne me suis pas aperçue.¨ que je n'ai pas vu;
LY Ceux qui possèdent¨ Aristote et Horace, voient d'abord, madame, que cette comédie pèche¨ contre toutes les règles de l'art. ont étudié; fait des fautes;
DO Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez¨ les ignorants,¨ et nous étourdissez¨ tous les jours. Il semble, à vous ouïr parler¨ que ces règles de l'art soient les plus grands mystères du monde; et"cependant¨ ce ne sont que quelques observations aisées¨ que le bon sens¨ a faites sur ce qui peut ôter¨ le plaisir que l'on prend a ces sortes pratiques de poèmes. troublez; peu intelligents; fatiguez; quand on vous entend; mais; faciles; raison; faire disparaître;
UR J'ai remarqué une chose de ces messieurs-là; c'est que ceux qui parlent le plus de règles, et qui les savent mieux que les autres, font des comédies que
personne ne trouve belles.
LY Est-il rien de si peu spirituel, ou, pour mieux dire, rien de si bas¨ que quelques mots ou tout le monde rit, et surtout celui des “enfants par l'oreille". plat;
CL Fort¨ bien. très;
LY Arnolphe ne donne-t-il pas trop librement son argent à Horace?Et puisque¨ c'est le personnage ridicule de la pièce, fallait-il lui¨ faire faire l'action d'un honnête homme? parce que; par lui;
LM Bon. La remarque est encore bonne.
DO Pour ce qui est des "enfants par l'oreille", ils ne sont plaisante que par réflexion¨ a Arnolphe; et l'auteur n'a pas mis cela pour être de soi un bon¨ mot, mais seulement une chose qui caractérise l’homme, et peint d'autant mieux son extravagance,¨ puisqu'il¨ rapporte une sottise triviale qu'a dite Agnès, comme la chose la plus belle du monde, et qui lui donne une joie inconcevable.¨ Quand à l'argent qu'il donne librement, outre¨ que la lettre de son meilleur ami lui est une cation¨ suffisante, il n'est pas incompatible¨ qu'une personne soit ridicule en de certaines choses et honnête homme en d'autres rapport; spirituel; excentricité; (=Arnolphe); incompréhensible; à coté; garanti; contradictoire;
LM Ma foi chevalier tu ferais mieux de te taire.¨ ne pas parler;
DO Fort bien. Mais enfin si nous nous regardions nous-mêmes, quand nous sommes bien amoureux...
LM Je ne veux pas t’écouter.
DO Écoutes-moi, si tu veux. Est-ce que dans la violence de la passion ...
LM La, la, la, la, (il chante)
UR Il se passe des choses assez plaisantes dans notre dispute. Je trouve qu'on pourrait bien faire une petite comédie, et que cela ne serait pas trop mal à la queue¨ de "L'École des Femmes". fin;
Do Vous avez raison.
UR Puisque Chacun en serait content, chevalier, faites Un mémoire de tout, et le donnez à Molière, que vous connaissez, pour le mettre en comédie.
DO Oui. Mais quel dénouement¨ pourrait-il trouver à ceci? fin;
GA Madame, on a servi sur table.
DO Ah! Voilà justement ce qu'il faut pour le dénouement!
UR La comédie ne peut pas finir mieux!

(1) Noms de héros et héroïnes de romans précieuses (2) Carte de Tendre: plan des routes que l'amant devait suivre pour être agréable à la femme qu'il aime. Billets-Doux, Petits-Soins etc, sont des villages sur ce plan que l'amant doit traverser. Tout cela dans le roman précieux: Clélie.