7. La pléiade

7.1. Joachim du Bellay

7.1.1. Défense et illustrations de la langue Française

Les langues ne sont pas nées d'elles-mêmes, mais toute leur vertu¨ est née de la volonté des mortels.¨ Cela est une grande raison pourquoi on ne doit pas ainsi louer¨ une langue et blâmer un autre, vu qu'elles viennent toutes d'une même origine. A ce propos¨ je ne peux pas assez blâmer la sotte arrogance et la témérité¨ de certains de notre nation qui méprisent¨ et rejettent toutes choses écrites en français; et je ne peux pas assez m’émerveiller¨ de l’étrange opinion de certains savants qui pensent que notre langue vulgaire soit incapable de toutes bonnes lettres¨ et érudition.¨ À ceux-ci je veux bien, s'il m'est possible, faire changer d'opinion par quelques raisons que brièvement¨ j'espère déduire.¨ principe; hommes; glorifier; pour cela; arrogance; ne respectent pas; étonner; littérature; grand savoir; en quelques mots; faire conclure;
Si notre langue n'est pas si riche que le grec ou le latin, cela ne doit pas être impute au défaut¨ d’elle-même, mais on doit l'attribuer à ¨ l'ignorance¨ de nos ancêtres. Mais qui voudrait dire que le grec et le latin eussent toujours été en l'excellence qu'on les a vus du temps d’Homère et de Démosthène, de Virgile et de Ciceron? critiquer; chercher la cause dans; manque des connaissances;
Si les Romains eussent étê négligents¨ à la culture de leur langue, elle ne serait pas devenue si grande. Mais eux ils l'ont restauré de rameaux¨ magistralement tirés de la langue grecque. inattentifs; branches;
Le temps viendra que notre langue, qui commence encore à jeter ses racines, sortira de la terre, et s’élèvera en telle hauteur et grosseur qu'elle pourra s’égaler au grec et au latin.
Celui qui voudra enrichir sa langue doit donc se mettre à l'imitation des meilleurs auteurs grecs et latins; car il n'y a pas de doute que la plus grande partie de l'art soit contenue en l'imitation.

7.1.2. Nostalgie

Heureux qui, comme Ulysse,¨ a fait un beau voyage, Odysseus;
Ou comme celui-lਠqui conquit la toison, Jason, qui conquis la toison d'or;
Et puis est retourné, plein d'usage¨ et raison, expérience;
Vivre entre ses parents le reste de son âge!

 
Quand reverrai-je, hélas! de mon petit village
Fumer la cheminée? Et en quelle saison
reverrai-je le clos¨ de ma pauvre maison, jardin;
Qui m'est une province et beaucoup davantage¨ ? plus;

 
Plus me plaît le séjour¨ qu'on bâti mes aîeux¨ maison; ancêtres;
Que des palais romains le front audacieux,¨ arrogant;
Plus que le marbre dur ne plaît l'ardoise¨ fine des toits;

 
Plus mon Loire gaulois que le Tibre¨ latin rivière à Rome;
Plus mon petit Liré que le mont Palatin
Et plus que l'air marin la douceur angevine.

7.2. Pierre de Ronsard

7.2.1. Ode à Cassandre

Mignonne¨ allons voir si la rose chérie, aimée;
Qui ce matin avait déclose¨ ouvert;
Sa robe de pourpre¨ au soleil rouge;
N'a point perdu, cette vêprée,¨ ce soir;
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil¨ identique;

 
Las¨ ! voyez comme en peu d'espace¨ hélas; temps;
Mignonne, elle a dessus la place
Las! las! ses beautés laissé choir¨ tomber;
O vraiment marâtre¨ Nature, mauvaise mère;
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir!

 
Donc¨ si vous me croyez, mignonne, en concluant;
Tandisque¨ votre âge fleuronne¨ pendant que; est en fleurs;
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse:
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir¨ votre beauté. disparaître;

7.2.2. À une jeune morte

Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'aube¨ de ses pleurs, au point du jour l'arrose; commencement du jour;

 
La Grâce dans sa feuille et l'Amour se repose,
Embaumant¨ les jardins et les arbres d'odeur; remplissant;
Mais, battue¨ ou de¨ pluie ou d’excessive ardeur¨ frappé; par; chaleur;
Languissante¨ elle meurt, feuille à feuille déclose.¨ perdisant l'énergie; ouverte;

 
Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre¨ tu reposes. comme poussière;

 
Pour obsèques¨ reçois mes larmes et mes pleurs, dernier honneur;
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin¨ que, vif et mort, ton corps ne soit que roses. pour faire que;
(Amours de Marie)

7.2.3. La Vieillesse (sonnets à Hélène)

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant¨ et filant¨ faisant des boules de fil; faisant du fil;
Direz, chantant mes vers, et vous émerveillant¨ vous étonnant;
"Ronsard me célébrait¨ du temps que j’étais belle." glorifiait;

 
Lors vous n'aurez servante oyant¨ telle nouvelle, entendant;
Déjà sous le labeur¨ à demi sommeillant,¨ travail; dormant;
Qui, au bruit de Ronsard, ne s'aille réveillant
Bénissant votre nom de louange¨ immortelle éloge;

 
Je serai sous la terre et, fantôme¨ sans os, esprit;
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos
Vous serez au foyer une vieille accroupie.

 
Regrettant mon amour et votre fier dédain¨ mepris;
Vivez, si vous m'en croyez, n'attendez a demain
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie